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Dossier de la Rédaction

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Pêcheurs en eau trouble

A un an et demi de la date présumée de la prochaine élection présidentielle dans notre pays, l’état des forces en présence est on ne peut plus clair : il y a d’un côté, un parti au pouvoir bien assis mais peu disert, après son triomphe aux élections législatives et municipales de 2007, appuyé par une majorité présidentielle discrètement active ; et, de l’autre, une opposition politique en recul de position, voire aphone, dont la résilience paraît improbable au vu de l’absence de stratégie et de projet unificateur.

 

On aurait pourtant tort de camper le décor autour de ce seul duo ou face-à-face. Au Cameroun, il faut depuis les années 90 compter avec l’influence grandissante des « forces parapolitiques », dont l’activisme et la prise de parole, encouragés ou suscités par les médias, montent en puissance. Ce sont les ONG de tout calibre, les institutions et personnalités religieuses, les universitaires, mais aussi les journaux d’information. Ces derniers acteurs, jadis marginaux, tendent à s’affirmer en marchant sur les plates-bandes naturelles de l’opposition et en usurpant ses missions : s’opposer et proposer des alternatives.

On peut parier que plus l’échéance des élections présidentielles approchera plus fort elles se feront entendre. Car, la tentation est grande pour elles de rechercher une légitimité – et parfois une virginité – sur un terreau que l’opposition n’a plus les ressorts d’occuper pleinement. Le dernier velléitaire en date se trouve être Célestin Bedzigui, homme politique bien connu, résidant aux Etats-Unis, associé pour la cause à deux ou trois individus aux états de service vierges. On apprend qu’ils ont déposé une pétition auprès du secrétaire général des Nations-Unies au sujet des émeutes de février 2008, aux fins d’obtenir une enquête internationale.

Rien de bien surprenant a priori, car n’importe qui peut déposer une pétition n’importe où, mû par ses convictions et son libre arbitre. Sauf que cette affaire survient après d’autres de même nature, en l’espace de quelques mois : la plainte du fameux « Conseil des Camerounais de la diaspora » contre Paul Biya pour « recel de détournement des deniers publics », l’affaire du coût supposé exorbitant des vacances du chef de l’Etat à La Baule, en France, « révélée » par des médias français et camerounais ; la plainte du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), ONG française, contre Paul Biya pour « biens mal acquis »…

Personne ne doit s’y tromper : seuls le contexte préélectoral et un désarroi certain peuvent justifier une telle avalanche d’attaques et d’initiatives désespérées pour reprendre la main. L’heure des grandes manœuvres a bien sonné, anticipant largement le calendrier électoral. Et les politiciens ne sont pas loin de croire que dans l’arène politique, tous les coups sont désormais permis. Mais si l’on ne peut méconnaître aux aspirants au pouvoir le droit de chercher une légitimité, on peut s’étonner de la curiosité de certaines démarches.

Dans le cas de ces justiciers camerounais réfugiés sur le sol américain, loin de nos combats quotidiens contre la misère, pourquoi avoir attendu deux ans avant de se préoccuper du sort des émeutiers ? Pourquoi semer controverse et confusion sur un épisode aussi douloureux, en avançant des statistiques sans preuves irréfutables, et en affirmant que « ces drames ont été identiques à ceux qui se sont déroulés en Guinée en septembre 2009 » ? Célestin Bedzigui et ses congénères prennent le risque mal calculé de réécrire l’Histoire dans un souci évident de manipulation, qui vise à capter l’attention des médias, attirés par le sensationnel comme les lucioles par la lumière.

Nul ne peut dire en effet quel os, quel scoop les médias croyaient avoir capturé avec ce non-événement au point d’en faire un « cinq colonnes à la Une » dans tous les journaux. Des pétitions auprès du secrétaire général des Nations-Unies, Dieu sait s’il en existe, et à profusion, et dont le sort est loin d’être celui réservé à la Guinée. De quoi s’agit-il alors, du retour de l’instinct suicidaire et de la manie de l’auto dénigrement ? En comparant le Cameroun à la Guinée, cherche-t-on à le sauver, ou à l’enfoncer ?

En réalité, nul n’aurait désavoué par rapport à ces émeutes de février 2008, une pure démarche de célébration mémorielle. Oui, pourquoi pas ? Elle aurait au moins valu à ses initiateurs la sympathie de l’opinion publique, à défaut de garantir des votes lors d’un prochain scrutin.

Paul Valéry professait que la mémoire était l’avenir du passé. La préserver de l’oubli aide parfois à mieux comprendre le présent. Sauf que l’exercice de la rétrospective ne supporte ni la désinvolture ni l’instrumentalisation. La démarche grossièrement provocatrice, la démesure factuelle et verbale, l’intolérance par rapport à ceux qui expriment une opinion différente, disqualifient d’office nos hérauts d’Amérique et tous les autres pêcheurs en eau trouble.

Au demeurant, pourquoi s’échiner d’une tribune onusienne, alors que des institutions démocratiques existent et fonctionnent dans son pays ? Le Cameroun est loin d’être une République bananière. Pour corriger les abus, dénoncer des violations aux droits et à la dignité des citoyens, le parlement camerounais est compétent et peut ouvrir à cet égard une commission d’enquête, comme cela a déjà été le cas plusieurs fois auparavant. (Affaire Cellucam, Mounchipougate) Les juridictions existent aussi, quoi qu’on pense de leur indépendance et de la longueur des procédures : elles ont eu à condamner l’Etat du Cameroun dans plus d’une affaire.

Alors, qu’on ne détourne pas les Camerounais du seul véritable enjeu qui soit : le travail, et encore le travail, pour construire un pays démocratique et prospère, où les politiciens n’auront plus le prétexte de la famine et du sous-emploi pour enrôler les jeunes dans la violence aveugle. La pauvreté n’est certes pas l’apanage du Cameroun, mais nous savons nous Camerounais, que nous devons, et que nous pouvons l’éradiquer. Non par la démagogie et le populisme, mais par la volonté, la cohésion et la rage de gagner.
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