Le lac Tchad s’assèche. Au fil des ans, sa superficie se réduit comme une peau de chagrin : 25000 km_ en 1964, environ 2000 km_ aujourd’hui. Une évolution dramatique, due essentiellement au changement climatique, plus particulièrement au réchauffement climatique et dans une moindre mesure à la pression démographique des populations riveraines. Depuis deux décennies environ, la commission du bassin du lac Tchad (CBLT) créée en 1964 et regroupant le Cameroun, la Libye, le Niger, le Nigeria, la RCA et le Tchad s’échine à trouver des voies et moyens pour sauver le lac éponyme. Ce faisant la CBLT veut éviter ce que la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qualifie sans détours de « menace d’une véritable catastrophe humanitaire ». Selon les prévisions climatiques de l’agence spatiale américaine NASA, si le niveau d’eau continue de baisser à son rythme actuel, le lac qui était en 1960 l’un des plus grands réservoirs d’eau au monde disparaîtra dans une vingtaine d’années.
Le tarissement continu des ressources en eau du lac Tchad entraîne des conséquences graves pour l’environnement particulièrement pour la biodiversité et les écosystèmes de la zone, pour la survie des populations concernées ainsi que des problèmes frontaliers. Quelque trente millions de personnes vivent dans la région du lac Tchad. Pour leur agriculture, elles utilisent les eaux du lac ainsi que celles provenant de ses deux principales sources d’approvisionnement, à savoir les rivières Chari et Logone, pour l’irrigation des champs. A cause de l’assèchement du lac, les pâturages se sont dégradés. Il n’y a plus assez de fourrage, ce qui entraîne une réduction du cheptel qui compte principalement des bovins et des caprins. La quantité de poissons pêchés quant à elle a chuté de plus de la moitié en une trentaine d’années. Résultats : il n’y a plus assez de terres arables, plus assez d’eau pour l’irrigation, plus assez de nourriture pour les hommes comme pour les animaux. La FAO constate pertinemment que toutes les activités socio-économiques sont profondément affectées, tandis que la surexploitation des ressources en eau et en terre entraîne des conflits et des migrations.
Le Cameroun, pays riverain du lac Tchad et membre de la CBLT, faut-il le rappeler, s’est toujours montré particulièrement préoccupé par cette situation évoquée dans toute sa gravité par le président Paul Biya dans son intervention le 17 décembre 2009 au sommet mondial sur les changements climatiques à Copenhague. Il y a quelques jours, le 26 février dernier, le Premier ministre Philemon Yang s’est montré particulièrement attentif à l’exposé du secrétaire exécutif de la CBLT, Ganduje Abdullahi Umar, venu pour la seconde fois en sept mois lui expliquer la situation et solliciter l’engagement urgent du Cameroun dans la quête de solutions viables.
Il est cependant devenu clair que pour sauver le lac Tchad et avec lui, les populations riveraines, les solutions viables doivent aller au-delà de l’engagement d’un pays et même de tous les pays membres de la CBLT. Le forum organisé à Rome le 16 décembre 2009 par la FAO, avec le concours de la CBLT, forum intitulé « Sauver le lac Tchad : un système menacé » avait pour objectif d’attiser l’attention des pays développés, des bailleurs de fonds sur ce problème aigu. Pour la CBLT, sauver le lac Tchad passe en effet par un programme ambitieux de détournement des eaux de l’Oubangui, principal affluent du Congo, vers la rivière Chari. Ça coûte très cher. Mais il s’agit d’un plaidoyer pour sauver des millions de vies humaines.