Le football au Cameroun, au-delà des très belles victoires conquises à travers la planète, c'est fâcheusement aussi la tragédie des contrastes saisissants. Paradoxe d’une terre de foot où la mauvaise herbe aux textures de l’inorganisation chronique, de l’improvisation légendaire et de la navigation à vue a trouvé un terreau si fertile. Contraste d’un pays de référence qui étale pourtant curieusement, son incapacité à lancer un championnat national d’élite à la hauteur de son classement honorable au palmarès de la FIFA. La succession des échecs successifs des clubs camerounais en coupes africaines depuis plus vingt ans apparaît comme le dernier avatar d’une séquence de douleurs que les victoires (même significatives) de l’équipe nationale n’arrivent plus à atténuer. Sur la planète foot camerounaise, il y a pourtant des moyens financiers plus importants aujourd’hui que dans le contexte de disette des temps anciens au cours desquels paradoxalement, les clubs camerounais de légende (Canon-Union-Oryx) ont écrit les plus belles pages de l’aventure camerounaise en Afrique. En ouvrant un peu à contre courant des projecteurs braqués sur la coupe du monde, un forum national du football, le ministre des sports a fait plus qu’œuvre utile en mettant la balle au centre. Belle et courageuse initiative. Mais osons au cœur de cette réflexion et sans présumer des résultats attendus, quelques questions qui taraudent plus d’un esprit critique. Les différents acteurs du forum et ceux des milieux du football camerounais sont-ils disposés à jouer avec fair-play dans le respect des règles du jeu ? En l’état actuel, le débat sur la survie de notre football reste l’objet de lourdes batailles (d’arrière cour) de pouvoir et d’argent entre des acteurs qui semblent « se tenir par la barbichette » au détriment des résultats espérés. Jusqu’où peut-on croire à leur engagement en faveur d’un retour gagnant du sport roi, la scène africaine ? Les milieux camerounais du football qui trainent tant de casseroles dénoncées dans de nombreuses publications, sont-ils imperméables à la campagne de moralisation générale en cours dans le pays ? « Gagner en Afrique avec l'Afrique ». Le slogan de la FIFA qui est un appel pour le développement d’un football sur le continent qui permettre aux footballeurs d’être autonomes et de vivre de leur métier est-il un catalyseur suffisamment puissant pour vaincre nos habitudes de protection des privilèges égoïstes ? Il faut l’espérer fortement. Il faut surtout bâtir sans peur le changement avec des méthodes nouvelles, des stratégies nouvelles et pourquoi pas des hommes nouveaux. Impulser un souffle nouveau suppose par exemple stabiliser ses jeunes footballeurs, leur offrir d’abord localement des opportunités éducatives et professionnelles. Les protéger du football miroir aux alouettes, qui laisse chaque année sous les ponts et sur les quais des gares d’Europe, de nombreux apprentis footballeurs attirés par les lumières du foot business. La part du hasard dans l’évolution du notre sport roi a vécu. Au-delà des formules (Forum-Etat généraux-Plan Marshall si l’on veut…) et des petits fours des banquets de clôture dont certains sont si friands, la démarche du Ministère des sports qu’il faut soutenir s’adresse à ceux qui œuvrent ou qui aimeraient le faire pour la renaissance du football au Cameroun. Les succès à venir ne seront donc durables que si les forces vives y mettent effectivement de la bonne volonté. Cela peut sembler aller de soi, mais le souvenir des rencontres de ce même type dans d’autres secteurs importants dont les résultats sont restés en projets, invite à rester attentif. Chaque moment de réflexion ravive des forces collectives importantes et cet engouement ne saurait être réduit à la seule expression de belles résolutions sans effets et résultats palpables.