Le parti de Ni John Fru Ndi qui avait tant fait rêver ses partisans a perdu du terrain au fil des ans, pour ne devenir que l’ombre de lui-même.
Ce n’est pas encore la descente aux enfers, mais ça y ressemble tout de même : 43 députés et 62 maires en 1997, le Social Democratic Front( SDF) n’a réussi qu’à conserver 16 députés à l’Assemblée nationale et à peine une vingtaine de mairies à l’heure qu’il est. Et ce n’est peut-être pas fini, si les purges qu’on observe dans les rangs de cette formation politique se poursuivent. Décidément, vingt ans après sa création, le SDF n’est plus que l’ombre de lui-même. Le poing de « Chairman » se lève de moins en moins haut. Ses meetings se font de plus en plus rares, et les rangs de son parti sont de plus en plus clairsemés. Que nous sommes donc loin des heures où ce parti politique pouvait mobiliser rapidement une dizaine de milliers de sympathisants en quelques heures, aux cris de « suffer don finish », (la souffrance est terminée) ou « power to the people » (le pouvoir au peuple).
Né dans le sang et les larmes à Bamenda le 26 mai 1990, le Social Democratic Front (SDF) a su, au fil des ans, canaliser les énergies de tous les laissés-pour-compte et est apparu très vite comme la principale force d’opposition. Plus que tout autre parti, c’est lui qui a été à l’origine des fortes mobilisations qui ont jalonné le début de la décennie 90 baptisées « années de braise », avec notamment les fameuses opérations « villes mortes ». Son leader, le « chairman » Ni John Fru Ndi a d’ailleurs très officiellement obtenu 36 % des voix à la présidentielle de 1992. Le Président Biya ne l’avait devancé que de 3 %.
Cinq ans après, le SDF pourtant sur une bonne lancée - il vient de remporter 62 mairies et 43 sièges de députés - décide inexplicablement de boycotter la présidentielle de 1997. Une faute politique doublée d’une erreur stratégique qui pèseront lourd dans la balance plus tard, surtout que son programme politique semble se résumer dans le slogan « Biya must go » (Biya doit partir). Quel gâchis pour un parti qui avait tant fait rêver ses partisans.
Empêtré dans d’inextricables problèmes internes, le principal parti d’opposition parlementaire va se lancer dans une politique suicidaire d’exclusion dans ses rangs de plusieurs hauts responsables. Directeur de campagne de Fru Ndi en 1992, Bernard Muna est obligé de plier bagages et de créer son propre parti, l’Alliance des Forces Progressistes (AFP) en 2006. La dernière série d’exclusions en janvier dernier est spectaculaire : Pierre Kwémo, premier vice-président du SDF, accusé d’avoir manipulé les listes du parti lors des élections couplées municipales-législatives 2007, est suspendu de son poste, et frappé d’inéligibilité pour une durée indéterminée. Serge Noumba, député à l’Assemblée nationale, accusé d’avoir fait défiler des militants lors de la fête du 20 mai 2009 à Bafoussam, contre l’avis du parti, écope d’une sanction similaire : il est frappé d’inéligibilité au sein du parti pour une durée indéterminée. Romuald Tamo, l’ex président du CEPO (Comité exécutif provincial de l’Ouest) est radié du Sdf ainsi que ses camarades Fankam et Ngoulefack.
On se rappelle qu’en 1995, une première série d’exclusion s’était déjà soldée par la création d’une nouvelle formation politique (le Forum des sociaux-démocrates), animée à l’époque par Dorothy Kom, Charly Gabriel Mbock, Edouard Tankwe. Après cette mésaventure, le SDF s’était tiré avec la fâcheuse image d’un parti régional. Image dont il a du mal à s’en défaire quinze ans après.
Quoi qu’il en soit Ni John Fru Ndi est très fier de sa formation politique qui, affirme-t-il, « a apporté la liberté d’expression au peuple camerounais, en dépit des intimidations de toutes sortes. ». C’est pourquoi il demande à ses sympathisants de continuer à lui faire confiance.