Sorti à l’occasion du cinquantenaire des indépendances, le livre-témoignage de Jean-Michel Severino et Olivier Ray donne à reconsidérer l’Afrique. «Le temps de l’Afrique » est loin d’être un slogan. Lentement mais sûrement l’Afrique fait sa mue mais nombreux sont ceux qui ne s’en rendent pas compte. C’est le constat des auteurs. Il faut sans doute, pour s’en convaincre, profiter d’un poste d’observation avancé comme l’ont fait Jean-Michel Severino, ancien directeur de l’Agence française de développement (AFD) et Olivier Ray, cadre de l’institution, pour analyser l’Afrique qui change. L’essai est une œuvre de rupture avec l’afro-pessimisme régulièrement distillé. A travers des histoires et des statistiques, l’ouvrage entraîne le lecteur à la redécouverte d’une Afrique que certains disaient maudite.

Sur huit parties et 23 chapitres, on va à la rencontre de l’Afrique nouvelle. On la croyait vide, rurale, animiste, pauvre, oubliée du monde, on la redécouvre en pleine mutation, religieuse, diverse et de plus en plus urbaine. Avec une population qui sera de 1,8 milliard en 2050, les auteurs s’attaquent aux idées reçues en dénonçant la posture qui réduisait le continent à une terre de guerre et de pauvreté qui ne devait sa survie et son salut qu’à la charité des pays riches occidentaux. Ils affirment que ce cliché a vécu lorsqu’ils soulignent sur la reconnaissance de l’Afrique : «Les Etats-unis ont largement engagé ce renversement intellectuel, en réévaluant la place qu’occupera l’Afrique dans les relations internationales du XXIè siècle…Barack Obama propose à l’Afrique un partenariat reposant sur la responsabilité et le respect mutuels ».

De nombreuses questions dignes d’intérêt traversent l’ouvrage. La moindre n’étant pas l’analyse de la pénétration fulgurante de la Chine en Afrique. Le nouveau venu au banquet des nations est très courtisé. Les auteurs proposent visiblement à l’Europe d’adopter d’autres stratégies pour ne pas perdre la bataille du nouveau partenariat avec l’Afrique. L’Europe a raté le virage d’un continent qui ne l’attend plus. Comment mieux le comprendre ? Le livre en donne des recettes. Structuration des peuples et des espaces, apparition des premiers signes d’une croissance endogène, refondations identitaires, l’Afrique n’est plus une dans un grossier découpage, elle est multiple et prometteuse. Elle est de retour à grande vitesse. En s’autorisant une analyse prospective sur les risques et les opportunités de la nouvelle Afrique tant convoitée, le livre a le mérite de travailler même inconsciemment à relever l’image d’un continent que même ses propres fils devraient redécouvrir.

Jean-Michel Severino, Olivier Ray, « Le Temps de l’Afrique », éditions Odile Jacob, Paris, mars 2010, 340 pages.