Malgré l’informatisation de la délivrance des titres de transports – dont le permis de conduire – effective depuis janvier 2009, on ne peut pas encore vraiment parler de nouveau permis de conduire au Cameroun.
Il y a certes un changement physique dans la présentation de la pièce depuis un an et demi, mais cela donne l’impression que le ministère des Transports avait mis la charrue avant les bœufs. Parce que l’ensemble du processus continue à se dérouler sur les mêmes bases faussées depuis plusieurs années. De l’auto-école jusqu’au service régional des Transports, on est toujours très loin de l’objectif d’un permis de conduire camerounais crédible.
C’est pour cela que les récentes sorties du ministre d’Etat, ministre des Transports sur cette question paraissent importantes. De manière générale, Bello Bouba Maïgari a clairement laissé entendre que le temps de la réforme du permis de conduire est arrivé. Il l’a réitéré, jeudi dernier, lors d’une réunion avec les délégués régionaux de son département ministériel. Mais le point de départ est sans doute l’instruction ministérielle signée le 18 juin dernier et portant sur l’organisation de l’examen du permis de conduire. Dans cette correspondance, le ministre d’Etat pose les bases de ce que sera la réforme du permis de conduire : « Rationalisation de la formation dans les auto-écoles, de l’examen du permis de conduire et de sa délivrance. » Nous le disions, un pas a déjà été fait en ce qui concerne le dernier aspect, même si l’opération reste perfectible. Le gros du travail se trouve donc aux niveaux de la formation et du déroulement de l’examen. On pourrait même aller plus loin en ajoutant les dimensions contrôle et répression, dont il n’est pas spécialement fait mention. Il apparaît pourtant que pour beaucoup de conducteurs, le fait d’être titulaire d’un permis de conduire est une finalité ; la répression des infractions au code de la route étant des plus faibles.
Au sujet de l’examen et de la délivrance, le patron des Transports a déjà indiqué quelques pistes. Notamment en prescrivant que l’examen se déroule désormais une fois par mois et non plus une fois par semaine. Avec en plus, la disparition de l’épreuve orale, présentée comme un haut lieu de corruption, des épreuves harmonisées dans l’ensemble des centres d’examen. Une banque d’épreuves devrait, à cet effet, être constituée à la direction des Transports terrestres.
Ces nouvelles dispositions doivent être appliquées dans les plus brefs délais. Et si les responsables régionaux de l’administration des Transports sont sensibilisés, quid des promoteurs d’auto-écoles ? Ils sont certainement au courant des changements qui s’annoncent. Mais l’on attend d’eux qu’ils jouent effectivement le jeu et qu’ils soient forcément plus impliqués. Parce que leur secteur est comme d’autres, infesté de ces aventuriers qui ont contribué à discréditer le permis de conduire camerounais. Certains réseaux de faux permis sont ainsi partis des lieux de formation, selon une vieille pratique bien connue. Des dossiers d’élèves fictifs introduits dans le lot au moment de l’examen ou des délibérations, contre paiement. 20.000, 30.000, 40.000 F suffisent.
Le permis de conduire camerounais fonctionne ainsi depuis des années. Et le demandeur a l’embarras du choix entre acheter et passer son permis en règle. La première option se décline en dizaine de possibilités représentant tous les niveaux d’intervention : auto-écoles, services régionaux des Transports, services centraux du ministère des Transports. C’est à cette pieuvre que l’on veut s’attaquer aujourd’hui. Une bonne intention qui va sans doute se heurter à de farouches résistances, tellement le système est implanté. Mais doit-on reculer, ou continuer à marquer le pas sur place, alors que les morts s’accumulent sur les routes du Cameroun ? A nous de voir. Et pendant qu’on y est, peut-être faut-il déjà penser à une réforme du régime des sanctions pour les infractions au code de la route. Un permis à points, par exemple, comme dans certains pays. Pour ne pas faire les choses à moitié et bien faire comprendre aux automobilistes qu’ils peuvent perdre leur droit de conduire une voiture, « rien que » parce qu’ils ont, par exemple, téléphoné au volant.
Yves ATANGA