De l’autre côté de Kribi, sur les rivages sud-américains de l’océan Atlantique, c’est Copacabana à Rio de Janeiro, la grande métropole économique brésilienne. Au plan géographique, la côte camerounaise fait face à la côte brésilienne. Bon nombre de Brésiliens ont pour lointains ancêtres des Africains arrachés de leurs terres et convoyés vers les Amériques par les marchands européens d’esclaves aux XVIe et XVIIe siècles. Pays tropicaux qui partagent plusieurs points de vue au plan de la gouvernance mondiale et nourrissent des projets communs au plan bilatéral, le Brésil et le Cameroun veulent consolider leurs relations vieilles de cinquante ans. La République fédérative du Brésil fut le premier pays sud-américain à reconnaître le jeune état camerounais en 1960. La signature de quelques accords-cadres en 1970 posa les prémices d’une coopération bilatérale mise en veilleuse dans les années 1990 avec la fermeture de l’ambassade brésilienne à Yaoundé.

Puis vint à Yaoundé le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, le 10 avril 2005, sur invitation de son homologue camerounais Paul Biya, pour une visite d’amitié et de travail de deux jours au Cameroun. A l’occasion, les relations bilatérales évacuèrent la torpeur. Le Brésil rouvrit son ambassade à Yaoundé. Les deux chefs d’Etat réchauffèrent quelques-unes des nombreuses possibilités de coopération bilatérales entre deux pays que de multiples affinités rapprochent. Plusieurs accords de coopération furent signés, notamment : l’accord subsidiaire à l’accord de base de coopération technique pour la mise en œuvre du projet « formation des ressources humaines et transfert des technologies visant à une cacaoculture durable en République du Cameroun » ; le protocole d’entente sur la coopération technique en matière de santé publique ; le protocole d’application de l’accord culturel relatif à l’enseignement supérieur. Le renforcement des relations culturelles fut concrétisé des mois plus tard par l’envoi au Brésil de deux enseignants camerounais de l’Université de Yaoundé I.

Au plan mondial, depuis lors, le Brésil et le Cameroun oeuvrent pour la démocratisation de la gouvernance internationale, avec un accent particulier sur la réforme du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Il n’est un secret pour personne que le Brésil y brigue une place de membre permanent et en même temps soutient la légitime ambition africaine d’une place au minimum au sein dudit Conseil.

La visite actuelle du président Paul Biya au Brésil est certes un retour de politesse diplomatique à son homologue Luiz Inacio Lula da Silva qui s’apprête à quitter définitivement le pouvoir. Cette visite peut également s’analyser comme un hommage rendu à cet homme d’Etat qui s’est illustré par son engagement en faveur d’une plus grande justice sociale et économique dans le monde. Sous son règne, le Brésil a activement participé à la lutte contre le sida par la réduction des coûts de traitement, en favorisant la fabrication de médicaments génériques et le premier, en rendant gratuit l’accès aux anti-retroviraux. Pendant la visite de Lula à Yaoundé, Paul Biya avait apprécié la disponibilité brésilienne à apporter au Cameroun toute l’expertise nécessaire en matière de prévention et de lutte contre le VIH/SIDA. Dans ce domaine, un partenariat s’est établi entre Synergies africaines et la fondation Osvaldo Cruz Foundation (FIOCRUZ). Cette visite constitue surtout une étape importante dans le processus de renforcement des liens de coopération entre le Brésil et le Cameroun. Vaste étendue de 8,5 millions de Km2 qui abrite la forêt amazonienne, l’un des poumons avec la forêt équatoriale d’Afrique centrale d’un monde menacé par la pollution, avec plus de 180 millions d’habitants, le Brésil émergent (9e économie du monde) est un pays dont la voix compte à l’ONU, au G20 et dans d’autres cercles de décision mondiale comme l’OMC (Organisation mondiale du Commerce). Le Cameroun a beaucoup à gagner dans la diversification et la consolidation de ses relations avec un partenaire si proche grâce à de nombreuses affinités et surtout dans la quête des voies et moyens du développement.