Le mandat de Javier Clemente commence bien. Samedi dernier, son équipe a remporté à Belle Vue en Ile-Maurice (3-1) son premier match des éliminatoires de la Can 2012. Un doublé de Samuel Eto’o et un but inscrit sur penalty Choupo-Moting ont scellé la victoire des Lions Indomptables dans cette rencontre sans grand relief sur le plan du jeu proposé par les deux équipes. La sélection nationale a fait néanmoins le plus difficile en gagnant à l’extérieur son premier match officiel post Coupe du monde 2010. Trois semaines après le succès en match amical face à la Pologne (3-0), rencontre disputée également hors du pays. En deux matches, les Lions Indomptables ont trouvé le chemin des filets six fois. Les buts ont été inscrits par Eto’o (4), Choupo-Moting (1) et Aboubakar Vincent (1), les attaquants.

Bien évidemment, on pourra toujours relativiser lorsqu’on regarde le palmarès et le poids sportif de ces deux adversaires. Jadis grande nation de football, la Pologne n’a pas participé à la dernière Coupe du monde. L’Ile-Maurice, elle, est quasiment absente de la scène africaine. On ne peut donc pas logiquement évaluer le niveau de rétablissement de la sélection nationale à l’aune de ces deux confrontations. Encore moins ses progrès. L’équipe nationale est toujours en observation. Elle est même encore en « rééducation ». Il serait prématuré de dire qu’elle est guérie. La sélection est juste en train de sortir des urgences et de la salle de réanimation. Javier Clemente, le médecin traitant qui lui administre des soins intensifs, va certainement délivrer le bon de sortie le 9 octobre prochain, jour de la réception à Yaoundé de la République démocratique du Congo, autre adversaire du Cameroun dans cette poule dans laquelle figure également le Sénégal.

Les Lions Indomptables ont déjà mis fin à la spirale de défaites. C’est déjà ça. A distance, on sent qu’un nouvel esprit souffle dans cette équipe, rajeunie, reconfigurée et restructurée. Cette embellie va-t-elle se consolider dans le temps ? Ou alors le réveil n’est-il que passager? Samedi dernier, le staff technique a reconduit l’équipe qui avait commencé le match face à la Pologne. Une chose est sûre. La sélection ne va pas se réduire à ce groupe appelé à grandir, à s’ouvrir à court ou à moyen terme à d’autres compétences. Dans deux semaines, on sera fixé sur les intentions de Javier Clemente lorsqu’il convoquera les joueurs pour le match Cameroun-RDC. Ce sera alors sa première sélection. Le nouveau coach est déjà au travail. Il doit rester en alerte et veiller sur ce patient, susceptible de rechuter à tout moment et interné toujours aux urgences.

Clemente, un style plus direct

La manière de faire du nouveau coach se dessine.

Le style, c’est l’homme, a-t-on coutume de dire. Otto Pfister gérait ses matchs, une cigarette à la bouche. Il ne se levait presque pas du banc de touche. Paul Le Guen était presque toujours pensif, voire évasif. Clemente, lui, est toujours en mouvement. Samedi dernier, le sélectionneur a quitté le banc de touche plusieurs fois pour aller repositionner et recadrer ses poulains. Il harangue, hurle, replace ses troupes. Au niveau de la communication, le style de Javier Clemente tranche radicalement avec celui de son prédécesseur, Paul Le Guen. Aux dires de ceux qui l’ont côtoyé à l’Ile-Maurice, il serait plus proche de ses joueurs. Les discussions interactives avec possibilité de relance de la part des joueurs meubleraient les échanges quotidiens, selon le constat fait par quelques sources présentes à l’Ile-Maurice.Ce qui n’était presque pas envisageable sous l’ancienne équipe. Certains joueurs prenaient l’initiative de la discussion sur les options de jeu, chaque fois Yves Colleu, l’ancien adjoint de Le Guen leur retirait brutalement la parole. Autre constat rapporté, Clemente échange beaucoup avec ses adjoints que sont François Omam Biyick et Jacques Songo’o. Il délègue et ne centralise pas, tel un autocrate, tous les pouvoirs entre ses mains.

Le technicien fait confiance à ses collaborateurs et aurait mis chaque joueur devant ses responsabilités. Sans être un père fouettard omniprésent, omnipotent et omniscient, le technicien resterait néanmoins très regardant sur le mode de fonctionnement de son équipe. Cela dit, il serait précoce de parler d’un style Clemente après un seul match. Sa philosophie commencera à se dégager le 9 octobre prochain. Mais, on semble lire dans sa démarche un souci de cohérence. En reconduisant l’équipe qui avait commencé le match amical, le coach a certainement voulu mettre les joueurs en confiance. Son prédécesseur n’avait pas aligné la même équipe deux fois d’affilée, ce qui mettait les joueurs sous pression. Dans les prochains jours, Clemente ira auditionner Alexandre Song, Achille Emana, Idriss Carlos Kameni et d’autres joueurs qui n’ont pas été appelés à l’équipe après la Coupe du monde. Il n’est pas exclu que le coach supervise d’autres joueurs ici et là. Le sélectionneur est à la recherche des joueurs de couloir. Logiquement, on devrait s’attendre à un renouveau.

A New Team in Gestation

The matches against Poland and Mauritius Island gave a glimpse of the configuration of the new Lion’s squad.

With the disastrous ousting of the Indomitable Lions from the World Cup in South Africa, Cameroon embarked on a process of reconstructing a new national team that can restore the glorious past, when the name Indomitable Lions was synonymous to victory or fighting to a finish. The reconstruction process entailed acquiring a new coach, the relegation of some players who have grown old and the injection of new blood into the squad. The reconstruction process did not only entail a change of players but also the adoption of a new institutional framework to enhance the performance of the players notably the creation of a technical directorate for national teams and the adoption of the internal rules and regulations for the main national team, the Indomitable Lions.

As concerns the rejuvenation of the squad, work actually started even before the appointment of Javier Clemente Lazaro as new coach of the Indomitable Lions given that the lone surviving official at the technical bench of the Lions, Jacques Songo’o had left out eight players who took part in the South African expedition in the squad that took on Poland in a friendly. Before then there was the withdrawal of the erstwhile emblematic captain of the national team, Rigobert Song, which symbolically marked the end of one generation and the beginning of another. As it stands, the national team now has three categories of players; the departed, old guard and newcomers. Among the departing players are players like Geremi Njitap, Carlos Kameni, Souleymanou and Idrisou Mohamadou. Among the old guard are players like Eto’o Fils, Jean II Makoun, Bikey and to a lesser extent, Stephane Mbia. There are however those who newly arrived but who because of their talents sound like old timers in the national team. Among them are players like Nicolas Nkoulou, Eyong Enoh and Assou Ekotto. Outside these, there are a host of young talents knocking at the doors of the national team like Choupo Moting, Joël Matip, Vincent Aboubakar, Abouna Ndjana, Hugo Nyame, Joslain Mayebi, Georges Mandjeck, who constitute the feature of the national team.

The possibility of finding some new faces in the national teamor some faces disappearing for ever remains high given the declarations of Javier Clemente when he took over office. The new coach said he was keeping every option open as all the positions of the national team are under contention and that only merit will be the criteria for selection.

Les hommes de la relève

Bedimo, Ndjeng, Ntsama sont quelques joueurs à suivre dans l’effectif renouvelé de la sélection fanion.

Henri Bedimo Nsamè semble avoir trouvé ses marques dans le couloir gauche de la sélection nationale. Contre la Pologne, le sociétaire de Lens était très présent. Face à l’Ile Maurice, il a participé sur le flanc gauche, à l’inscription du deuxième but camerounais. Un débordement sur le flanc droit de la défense mauricienne dès les premières minutes de la seconde mi-temps de la confrontation. Une passe décisive. Un véritable caviar servi à Samuel Eto’o Fils. Comme lui, la cote du latéral droit Marcel Ndjeng semble augmenter auprès du public camerounais. Son enthousiasme, sa vitesse balle aux pieds et son anticipation, sont ses principaux atouts. Même si face à l’Ile Maurice, il n’a pas atteint les performances souhaitées selon certains supporters.

Eric Maxime Choupo-Moting, le nouvel attaquant de la sélection nationale de football connaît une ascension fulgurante. Ses qualités techniques et physiques ont fait du sociétaire de Nuremberg (Allemagne), l’un des grands hommes du match. Son but, certes sur penalty contre l’Ile Maurice, sonne comme une récompense. Vincent AboubaKar (Valenciennes, France), s’ajoute également à cette liste. L’ex attaquant du Coton sport de Garoua a tous les attributs d’un véritable attaquant. Henri Bienvenu Ntsama, le sociétaire du Young Boys de Berne (Suisse) grâce à ses qualités athlétiques et sa puissance, peut jouer sur les côtés comme dans l’axe. Cette revue des nouvelles recrues des Lions Indomptables présage des lendemains meilleurs.

Angèle BEPEDE

Pierre Njili Ndengue, entraîneur de football apprécie la prestation des Lions face à l’Ile Maurice (Interview)

Comment avez-vous trouvé les Lions à l’Ile Maurice ?

J’ai vu le match comme tous les Camerounais. Je suis content du résultat, car avoir trois points d’entrée de jeu n’était pas donné. Il faut donc déjà féliciter le staff technique, ensuite les joueurs qui, tout doucement, ont commencé à effacer la piètre prestation de l’Afrique du Sud. Les trois points nous mettent au dessus du lot en attendant la suite. C’est bon pour le moral.

Comparativement au match face à la Pologne, comment analysez vous la prestation des Lions ?

Par rapport au match face à la Pologne, le jeu des Lions a été en dessous de la moyenne. Face à la Pologne, on a vu une équipe des Lions assez concurrente sur tous les plans. On a vu une équipe avec des qualités du football moderne. Mais face à l’Ile Maurice, beaucoup de choses sont encore à travailler à mon humble avis. On n’a pas reconnu les Lions. Devant la Pologne, il y avait le résultat et la manière, ce qui n’a pas été le cas face à l’Ile Maurice où il n’y a eu que le résultat. Dommage.

Selon vous, quels sont les joueurs qui sont sortis du lot lors de ce match ?

Samuel Eto’o Fils n’est plus à présenter. Il y a Choupo-Moting qui confirme tout le bien qu’on pense de lui. Henri Bedimo n’a pas complètement déçu. Pour le reste, ils se sont comportés normalement. Ils ont produit le niveau qu’on leur connaît.

Est-ce que ça aurait été le même match si les joueurs suspendus à l’image d’Alexandre Song, Achille Emana ou encore Idriss Carlos Kameni avaient été là ?

Je vais peut-être vous surprendre. Mais à mon avis, le résultat aurait été le même. Les joueurs écartés, ne sont pas forcement de mauvais joueurs, je crois que c’est pour des raisons de discipline qu’ils ont été écartés. J’espère seulement que cette sanction ne va pas durer longtemps. Ce sont des joueurs encore importants pour l’équipe nationale. Toutefois, la discipline est très importante au sein de toute équipe nationale.

A vous entendre, Javier Clemente a beaucoup à travailler…

Oui, il doit notamment beaucoup travailler pour que cette équipe soit véritablement une équipe. Face à l’Ile Maurice, on a vu des individualités, on n’a pas vu une équipe. La cohésion a beaucoup manqué aux Lions. Cela s’explique peut-être par le fait que les joueurs n’ont pas eu beaucoup de temps de travail comme face à la Pologne. Les automatismes ont cruellement fait défaut face à l’Ile Maurice. Maintenant, laissons venir les choses. Il ne fait aucun doute qu’avec plus de temps, notre équipe sera beaucoup plus homogène.

Le prochain adversaire, la RDC sera beaucoup plus coriace…

Je n’ai pas de leçons à donner, mais je sais que les entraîneurs vont continuer à travailler d’arrache pied, qu’on ait une équipe beaucoup plus conquérante, plus entreprenante comme celle face à la Pologne. Bref, une équipe plus dynamique afin qu’on soit à l’abri d’une quelconque surprise. Si on ne travaille pas le bloc équipe, on aura beaucoup de difficultés à glaner les trois points face à la RDC. Je pense que le staff technique en place va s’y mettre pour que cette équipe présente un autre visage.

Qu’entendez-vous par bloc-équipe ?

Le bloc-équipe dans le langage moderne c’est une équipe qui évolue soit complètement dans son camp, là on parle de bloc bas, soit sur la ligne médiane, c’est-à-dire une partie du côté de l’adversaire et l’autre dans son propre camp, et parfois tout le bloc joue de l’autre côté, on parle alors du bloc haut.

Pour certains observateurs, le match était à sens unique, tant les Lions ont dominé leurs adversaires…

J’ai parlé du résultat qui était bon, mais je n’ai pas beaucoup vu la manière, et c’est là où le bât blesse. Je pense que cette équipe peut encore donner mieux que cela. Donnons le temps au staff technique afin de mettre les automatismes en place et qu’on retrouve l’équipe qu’on a vu face à la Pologne.

Propos recueillis par Louis MATEA