Nombre d’enfants traînent toutes leurs fournitures scolaires chaque jour à l’école, au risque de perturber leur croissance.

Pauvre enfant ! Visiblement, il ploie sous le poids de son cartable, qui l’oblige à se pencher légèrement vers l’avant. En plus, de ses deux mains, il réajuste son sac de temps en temps, impatient de rentrer en classe! Mais la cloche ne sonne toujours pas. Pire, il n’est que 12 h. Ici à l’école publique de Mendong à Yaoundé, le système de mi-temps est de rigueur. Et pour cette semaine, Emile T. est « de midi ». C’est-à-dire que ses cours ne commencent que dans l’après-midi, à partir de 12 h 40. Il doit donc encore supporter son fardeau une demi-heure durant. Du haut de ses 8 ans, le garçon est déjà au CM 2, où il y a plus de matières, et donc plus de fournitures à transporter chaque jour. Pourtant, selon M. Evina, enseignant dans cette école, le tort est à attribuer aux parents. Il explique : « Il existe un emploi de temps pour toutes les classes. Mais les enfants n’en tiennent pas compte. Ils ont tendance à oublier ou à confondre les documents. Encore que beaucoup se plaisent à avoir un sac plein. C’est donc aux parents de les aider à faire leurs sacs chaque jour et veiller à ce qu’ils n’emportent pas tout», affirme-t-il.

Côté parents, beaucoup renvoient la faute aux enseignants, qui selon eux, exigent ce paquetage tous les jours, notamment dans le privé. « Mon neveu va à l’école avec 13 cahiers chaque jour et tous sont obligatoires », affirme un père de famille. Dans l’école du neveu en question, au YWCA de Mendong, l’intendante, Diana Nzume, explique qu’il y a beaucoup de disciplines et chacune nécessite un livre, un cahier de cours et un cahier d’exercice bien distincts. Conséquence, un élève peut arriver le matin avec six livres et 12 cahiers dans le sac. « Il y a un emploi de temps et on fait le nécessaire pour leur alléger la charge. Mais eux-mêmes se plaisent à toujours tout apporter à l’école», regrette-t-elle. Pour ces enfants, « c’est vraiment lourd ! Mais je n’aime pas laisser mes choses à la maison », affirme un jeune élève. Son camarade renchérit : « le maître a dit d’apporter toutes nos affaires quand on ne sait pas ce qu’il faut laisser ».

Certaines écoles semblent heureusement avoir trouvé une solution au trop plein des cartables. C’est le cas de l’école maternelle et primaire « Les dégourdis », où les élèves laissent systématiquement leurs fournitures scolaires à l’école. « Chaque jour, en fin de journée, on leur remet les cahiers et livres dont ils auront besoin pour leurs devoirs de maison. Le reste, on les garde pour mieux les conserver et éviter qu’ils traînent avec», explique Lydie Bissa, directrice. L’enseignante raconte que ce système a été instauré pour faciliter la tâche aux parents et aux enfants, mais aussi pour mieux suivre les élèves. « Parce qu’ils sont de plus en plus jeunes, beaucoup arrivent au CM 2 à 8 ans, alors que les fournitures ne cessent d’augmenter. En gardant leurs effets à l’école, on a le temps d’apprécier le travail de chacun», souligne la directrice.

Dr Wenceslas Ndong: « Il faut limiter les charges »

Conseils de rhumatologue.

Quelles charges peuvent porter les enfants qui vont à l’école primaire ?

Il n’y a pas de poids arrêté, cela dépend de l’individu. Quelque soit l’individu en effet, il existe une relation entre le poids et la taille, que ce soit un enfant ou un adulte. Le corps humain et le squelette sont faits pour porter une charge donnée. Cette relation s’exprime par l’indice de masse corporel (Imc) qui est le produit du poids de l’individu par l’inverse du carré de la taille. L’Imc normal oscille entre 18,5 et 25Kg par m². Lorsque l’Imc est situé entre 25 et 30Kg, on dit qu’on est en surpoids. Au-delà de 30Kg par m², on est obèse. Le problème des charges des sacs de classe est donc purement mécanique. Sur un enfant, on peut poser le problème de la même manière : au-delà de 25Kg par m², l’individu est comme s’il portait une charge supplémentaire.

Pour les enfants qui doivent porter de lourdes charges, il doit y avoir des risques pour la santé…

Il peut y avoir des manifestations sur le squelette et les articulations. Le premier problème sera celui des cartilages qui jouent le rôle d’éponge. Ils vont subir le surpoids et se détruire. Cela va créer des lésions.

Ces lésions seront-elles graves ?

La gravité sera fonction du poids porté et du temps pendant lequel le surpoids sera exercé sur l’organisme, notamment au niveau de la colonne vertébrale et des articulations des os longs en particulier les genoux. Ces charges peuvent créer des anomalies suivant que l’enfant porte la charge au dos, ce qui peut provoquer une cyphose qui est une déformation de la colonne vertébrale vers l’avant. Il aura le dos voûté. Cela peut aussi occasionner une scoliose lorsque l’enfant porte un sac qui pend sur le côté, il aura la colonne vertébrale en forme de s. Les genoux peuvent aussi en pâtir et se déformer en x ou former deux parenthèses (ouverte et fermée, Ndlr). Tout dépend donc de comment l’enfant porte la charge, du poids de celle-ci et de la durée, car même si la distance vers l’école est courte, l’année scolaire est longue quant à elle.

Que faire quand on est un parent dans de telles circonstances ?

Il n’y a pas de solution unilatérale, car la solution dépend des enseignants et des parents. Le problème est en effet celui des programmes scolaires qui obligent l’enfant à porter tous ces livres. Il faut faire le maximum pour limiter les charges. Les parents, en consultant l’emploi du temps, doivent donc veiller à ce que l’enfant n’emporte pas le superflu à l’école ; tandis que les enseignants devraient choisir les ouvrages qui pèsent moins. Ils devraient calquer ce qui se faisait avant : les livres au programme résumaient un peut tout ce qu’il fallait étudier, c’était un condensé.