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Côte d’Ivoire : réélu, Gbagbo prête serment - « La légalité de l’investiture de Gbagbo est inattaquable » [interview]]

Index de l'article
Côte d’Ivoire : réélu, Gbagbo prête serment
Tous (presque) contre Gbagbo
« La légalité de l’investiture de Gbagbo est inattaquable » [interview]]
Fracture [commentaire]
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« La légalité de l’investiture de Gbagbo est inattaquable » [interview]

 

Guy Mvelle, chargé de Cours au département de science politique de l'Université de Yaoundé II.

 

 Selon vous, y a-t-il deux présidents en Côte d'Ivoire?

 

Au regard des positions des différentes institutions nationales, nous sommes en présence de deux personnalités dont l’une est déclarée élue par la Commission électorale indépendante (Alassane Dramane Ouattara) et l’autre déclarée élue et même déjà investie par le Conseil constitutionnel (Laurent Koudou Gbagbo). Les juristes vous recommanderont, à cet effet, de lire à la lettre les textes et donc les attributions des deux organes pour voir qui a compétence à déclarer le vainqueur d’une élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Dans ce sens, les textes et la pratique prêtent quelque peu à une confusion qu’il faut éclairer.

Selon la loi du 16 août 1994 fixant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement du Conseil constitutionnel, c’est cette institution qui est en charge du contrôle de la régularité, de la présentation des candidatures, de l'éligibilité des candidats, du déroulement du scrutin et du dépouillement des votes dans l’élection présidentielle. Quant à la Commission électorale indépendante (CEI), la loi du 14 décembre 2004 modifiant celle du 9 octobre 2001 relative à sa composition, son organisation, ses attributions et son fonctionnement, lui attribue la proclamation provisoire ou définitive des résultats de toutes les élections à l’exception de l’élection présidentielle et du référendum pour lesquels la proclamation définitive des résultats relève de la compétence exclusive du Conseil constitutionnel. C’est dire que la proclamation du Conseil constitutionnel ivoirien n’a rien d’illégal, ce d’autant plus que la CEI a dû dépasser le délai légal de trois jours prévus pour sa transmission des résultats.

Mais si la légalité constitutionnelle de l’investiture de Laurent Koudou Gbagbo me semble inattaquable, le problème se trouve ici au niveau de la légitimité politique d’un tel acte. L’idée même des commissions électorales indépendantes réside dans le fait que ces institutions sont dotées d’un fort symbole politique permettant non seulement une meilleure visibilité de la traçabilité du processus électoral, mais également une plus grande légitimité politique des personnalités issues des urnes. Tout se passe donc comme si nous sommes devant un affrontement entre la légalité constitutionnelle et la légitimité politique, celle-ci étant renforcée par les positions de certains acteurs internationaux de premier rang : ONU, Union africaine, CEDEAO, France, Etats-Unis… Mais bien qu’investi par le Conseil constitutionnel, Laurent Gbagbo sait bien que le pouvoir politique comme tout pouvoir, est une relation qui met aux prises d’une part un commandement de la part de celui qui dirige et d’autre part le respect, l’obéissance, la docilité de la part de ceux à qui sont destinés les actes du pouvoir. En sera-t-il le cas dans cette ambiance de contestation?

 Le président Gbabgo a-t-il les moyens de gouverner son pays malgré l'opposition de ce qu'on appelle la communauté internationale qui n'a pas certifié sa victoire?

Ici, nous sommes confrontés à la pertinence d’un nouveau paradigme, celui de la certification électorale par les Nations Unies. Cette expérience est récente et a été réalisée pour la première fois en 2007 au Timor et en 2008 au Népal. Dans ces deux cas, l’organisation universelle avait le rôle principal dans l’organisation des élections. Mais en Côte d’Ivoire où la certification répond à une demande des parties signataires de l’Accord de Pretoria de 2005, le véritable défi était de certifier des élections dont elle n’était pas l’organisateur. Et le mandat du Conseil de sécurité a bien prévu que les résultats des élections seront certifiés d’une façon explicite ; et qu’une fois certifié, le Certificateur n’admettra pas que les résultats fassent l’objet de contestations non démocratiques ou de compromissions. Et vous savez que le Conseil de sécurité met en œuvre un droit d’exception à travers lequel il lui appartient de définir sa propre légalité, et d’apprécier non seulement l’opportunité de son intervention, mais aussi les modalités de son action éventuelle. Et au plan interne, il est évident qu’une crise politique est déjà ouverte avec un Premier ministre Guillaume Soro qui se sent responsable devant Alassane Ouattara plutôt que devant Laurent Gbagbo. Mais y a-t-il pour autant déjà une crise institutionnelle dans le pays ? L’équation s’annonce plus difficile avec les puissances étrangères dont le regain d’intérêt sur la Côte d’Ivoire est aujourd’hui incontestable.

 Peut-on s'attendre à ce que cette communauté internationale impose à la tête de la Côte d'Ivoire Alassane Ouattara qui, à ses yeux, est le seul qui jouit de la légitimité selon les résultats de la présidentielle proclamés par la CEI?

Si la proclamation de Ouattara est légitime comme vous le dites du fait qu’elle émane d’un organe relativement plus consensuel au plan politique, celle du Conseil Constitutionnel est-elle pour autant illégale? De nombreux exemples en Afrique nous ont montré que les choses peuvent se passer plutôt autrement (Kenya, Zimbabwe), même si cela ne grandit pas l’Afrique qui confirme une fois de plus la difficulté qu’elle a à s’approprier de l’intégralité des règles du jeu démocratique. Et Laurent Gbagbo me semble désormais bien habitué au power sharing, même si ce mécanisme contribue à légitimer les contestations électorales et à en faire une voie d’accession au pouvoir. Et la communauté internationale a heureusement ou malheureusement les moyens pour le faire plier, et même s’il a pu résister pendant une transition qui a duré cinq ans, certains acteurs semblent plus déterminés cette fois-ci. D’abord le Conseil de sécurité qui s’est chargée de la certification dispose à l’égard des Etats membres, d’un pouvoir de décision que lui offre la Charte des Nations Unies en cas de menace contre la paix et de rupture de la paix. Et dans ce cas, il a le choix, en fonction de son appréciation de la situation, de prendre des mesures qui peuvent aller des simples recommandations aux décisions contraignantes ou les deux à la fois. Ensuite, n’oublions pas que la France, les Etats-Unis et de nombreux pays européens sont les principaux clients de la Côte d’Ivoire, ce qui a une signification de très haute importance pour la réalisation des objectifs de politique économique du nouveau président, la seule Russie ne lui apportera pas tout le soutien dont il a besoin même si elle lui garantit pour le moment un veto sur les décisions qui vont en son encontre.

 Comment appréciez- vous l’allégeance des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire, sous le commandement du général Philippe Mangou?

Laurent Gbagbo aime lui-même à citer le cas des Etats-Unis d’Amérique où l’Armée fut à un moment donné divisée au gré des intérêts économiques entre armée du Nord et Armée du Sud, mais que ce sont les positions politiques qui ont souvent pris le dessus en l’occurrence celle d’Abraham Lincoln qui permit l’unification de l’institution militaire favorisant le grandeur dont bénéficie les Etats-unis aujourd’hui. Très bien ! Mais l’histoire des rapports entre l’armée et le politique aux Etats-Unis ne semble pas connaître la même trajectoire dans un continent africain où l’institution militaire a suffisamment été interventionniste ces cinquante dernières années. Et quand on commence à faire le jeu de l’armée, il faut y aller jusqu’au bout, pire la politisation de l’armée par le politique est bien un signe de fermeture démocratique, car une armée très « choyée » aide au pouvoir politique d’entretenir la domination par une politique de terreur.

 L'élection présidentielle était censée clore une décennie de crises politico-militaires. A la lumière des récents développements, quelles perspectives envisagez-vous pour le désarmement des ex-rebelles du Nord et la réunification du pays toujours coupé en deux?

On avait tous espoir que l’accord politique de Ouagadougou, après avoir redressé les limites des accords précédents (Linas Marcousis, Accra, Pretoria et les résolutions du Conseil de sécurité), viendrait pacifier durablement la Côte d’Ivoire et partant l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. L’élection présidentielle a certes pu se tenir, mais aujourd’hui, un nouvel acteur entre dans le jeu, à savoir Alassane Dramane Ouattara, ce qui oblige en quelque sorte d’élargir les dispositions de cet accord dans la mesure où il constituait un compromis entre les deux camps Gbagbo et Soro. Mais, il me semble que les dispositions concernant le désarmement des ex-rebelles restent d’actualité en l’occurrence le Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) qui prévoit notamment le démantèlement et le désarmement des milices, lequel s’appuie sur les Accords de Linas Marcousis, le Plan conjoint des Opérations du DDR…

 La Côte d'Ivoire va-t-elle à nouveau plonger dans la guerre et quel avenir pour l'Opération des Nations Unies dans ce pays (ONUCI) ?

En tout cas, personne ne le souhaite, et je ne vois pas qui gagnerait à ce que ce pays continue à être déstabilisé, ni les Ivoiriens du Nord et du Sud, ni les puissances étrangères et encore moins les Africains. On a toujours pensé que la communauté internationale ne saurait se désengager de la Côte d’Ivoire sous prétexte que le pays avait déjà un accord de paix et de partage de pouvoir viable. Aujourd’hui, l’opinion est la même, la réalisation du processus électoral, on le voit, n’est pas synonyme de retour à une paix durable dans le pays. Au contraire ! Il me semble qu’une attention du Conseil de sécurité doit demeurer dans ce pays qui représente toujours une menace à la paix et à la sécurité, et cette vigilance en appelle donc au même degré d’implication de l’ONU dans le domaine militaire et sous les autres aspects nécessaires. Même l’Accord de paix de Ouagadougou ne prévoit pas la nécessité d’un retrait, même graduel des forces ONUCI et Licorne en dehors de la zone dite de confiance où la levée du dispositif devrait être progressive. Malgré les tensions existant entre le représentant de l’ONU et certains proches de Laurent Gbagbo, on est nombreux à penser que, vu les tensions post-électorales en cours, la présence militaire internationale doit être maintenue au moins jusqu’au lendemain des élections législatives qui doivent se tenir après la présidentielle. Si le Tchad a fait partir récemment les forces de l’ONU, il ne me semble pas que la situation en Côte d’ Ivoire soit similaire ! Au final, la situation en Côte d’Ivoire nous confirme dans l’idée que la compétition politique en Afrique, quand bien même elle est pacifique, peut alterner violence et paix, et les acteurs politiques peuvent également passer du statut d’adversaires au statut d’ennemis envers lesquels on n’arrive pas à freiner nos pulsions violentes.


Propos recueillis par Rousseau – Joël Foute


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