Même dans ses rêves les plus fous, le pasteur Martin Luther King n’entrevoyait sans doute pas l’hommage que la nation américaine vient de lui rendre : une statue de neuf mètres de haut, taillée dans un rocher de granit blanc, conçue par le sculpteur chinois Lei Yixin et représentant le chantre de la lutte pour la reconnaissance et le respect des droits des Noirs, bras croisés et regardant l'horizon.

Cet hommage s’auréole de symboles, lorsqu’on sait que le monument qui lui est ainsi dédié trône à un jet de pierre de la Maison blanche et à quelques pas du Lincoln Memorial, où le pasteur prononça son célèbre discours le 28 août 1963 : « Je fais un rêve ». Un rêve dans lequel Martin Luther King voyait, jusque dans les Etats les plus racistes d’Amérique, « les petits garçons noirs et les petites filles noires avec les petits garçons blancs et les petites filles blanches se donner la main, comme sœurs et frères ».

Autre symbole, la cérémonie d’inauguration du monument était présidé par un président Noir, Barack Obama, le tout premier de sa race élu président des Etats-Unis, moins de cinquante ans après lé célèbre rêve de celui qui par sa lutte pacifique décrocha le prix Nobel de la paix avant d’être assassiné le 4 avril 1968, alors qu’il n’avait que 39 ans.

L’Amérique lègue ainsi à la postérité son premier monument dédié à un homme de couleur près du grand Mall, la prestigieuse artère de Washington, la capitale fédérale américaine. C’est la marque d’une nation, la matérialisation du « rêve américain » dans lequel Martin Luther King cadrait si bien le sien.

Même si des écarts importants demeurent encore aujourd’hui entre Blancs et Noirs aux Etats-Unis, l’Amérique qui pratique l’esclavage, puis une sévère ségrégation à l’encontre des Noirs a évolué très vite, pour devenir, au seuil du troisième millénaire, la nation dont avait rêvé le pasteur Noir. Celle où les générations futures «ne seraient pas jugées sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère ».