Vous êtes une inconditionnelle de Denzel Washington vivant à Douala ou Yaoundé ? Alors vous l’avez sans doute vu, à l’Abbia ou au Wouri, performer dans le film « Training Day », campant avec sa maestria habituelle le rôle d’un flic ripou. Mais lorsque « Le livre d’Eli » est sorti, en janvier 2010, les cinéphiles de la capitale n’ont pas pu voir l’acteur américain incarner le premier rôle dans cette autre production sur grand écran. Raison, le cinéma Abbia avait fermé ses portes une douzaine de mois auparavant. Le « fléau » s’est étendu à travers le pays et depuis plus de deux ans, avant-premières, grandes premières et autres coups doubles organisés dans des salles de cinéma mythiques sont tombés dans le registre du souvenir pur et simple. Circulez, il n’y a plus rien à voir… Mais ce n’est pas si sûr. Les Camerounais amoureux du 7e art ne veulent pas renoncer si facilement à leur passion. Les cinéastes locaux non plus.
« La fermeture des salles nous pénalise énormément, mais comme la nature a horreur du vide… » La réalisatrice Yolande Ekoumou explique que les cinéastes camerounais ont cherché des voies et moyens pour pallier l’absence de salles obscures. Leurs productions n’étaient certes pas les plus présentes à l’affiche, mais tiraient aussi grand profit de ce lieu privilégié d’exposition. Pour continuer à exister, à diffuser leurs œuvres, nos réalisateurs ont donc exploré de nouveaux créneaux.
DVD au détail
« Les gens qui travaillent en ce moment, c’est plus dans l’optique de multiplier des DVD et de les distribuer. Tout le monde pense de plus en plus à la distribution en DVD », explique une source approchée par CT dans le cadre de ce dossier. Illustration en est donnée par le jeune Thierry Ntamack, acteur camerounais qui vient de boucler la réalisation d’un moyen métrage. Rencontré il y a peu par votre journal, il envisageait justement de diffuser son film, « Sur la route d’un ange », de cette manière. Des supports pressés que des dizaines de jeunes vont se charger de distribuer, quitte à faire du porte-à-porte. D’autres professionnels ne l’ont pas attendu pour se lancer sur ce chemin.
« Je rencontre beaucoup de colporteurs de DVD camerounais. Certains cinéastes se sont mués en commerciaux pour vendre leur propres produits », ajoute Yolande Ekoumou. Ne soyez donc pas surpris d’être approché, un de ces jours, par une jeune fille désireuse de placer une ou plusieurs pièces d’un film bien de chez nous. « Si les gens ne peuvent plus aller au cinéma, le cinéma ira vers eux », soutient Thierry Ntamack.
Ce n’est pas la même chose qu’au grand écran, sans doute. Et tout le monde n’a pas les moyens de se payer un écran plat extra large ou un home cinéma pour jouir du meilleur confort possible en consommant des films. Mais il vaut mieux un grand écran « réduit » que plus d’écran du tout. Parlant d’écran, celui des ordinateurs fait également l’affaire. Parce que nos réalisateurs essaient de se tisser une toile aussi sur Internet. Notamment sur Youtube. « Surtout pour les cinéastes camerounais vivant à l’étranger », assure une source, qui précise que c’est une manière pour ces artistes de « rester visibles », notamment à travers des courts métrages. Le Net offre en outre, à travers des sites spécifiques, des possibilités de téléchargement de films (dans des formats précis). Quelques initiés en font leur régal, se constituant une véritable cinémathèque numérique au bout de clics appropriés…
Enfin, le cinéma a continué à vivre chez nous dans d’autres sites. Un espace aménagé, un mur choisi comme support pour les images projetées, et ça tourne. Certes, sans le confort des bonnes vieilles salles où le public mangeait du popcorn en s’extasiant dans le noir devant des images géantes. Mais, bon. Le 7e art poursuit donc son chemin sous nos cieux, bien que celui-ci se soit rétréci. Mais au fond, rien n’interdit aux cinéphiles d’imaginer un scénario du genre « retour vers le passé », entrevoyant une réouverture des salles à travers le pays. Le cinéma c’est aussi le rêve, non ?
