Toutefois, comme ironisent déjà certains éditorialistes, la «résurrection» de la feuille de route ne garantit pas à coup sûr sa domestication et son entrée dans les mœurs gestionnelles au plus haut niveau, après un premier essai fort peu concluant. Soit. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour y renoncer. Un changement d’approche du travail à l’échelle du «mammouth» de la fonction publique est toujours un énorme pari, qui peut s’avérer chaotique, ou à tout le moins long et difficile. La volonté de changement du président, demeurée intacte, doit cette fois porter la promesse des fleurs. Parce que les Camerounais attendent des résultats.
Cette obligation de résultats constituera tout ou long du septennat un aiguillon permanent et une pression continuelle sur les ministres, qui auront, comme le reconnaît le Président Biya, «une très lourde tâche». Il leur faudra s’approprier la nouvelle vision, intégrer la nécessité de changer la méthode de gouvernement, et surtout faire partager aux différentes strates décisionnelles de l’administration, l’esprit et la lettre de ce nouveau savoir être. Là réside la révolution à opérer. Elle ne se fera pas par magie, ni par enchantement.
Il s’agira véritablement de gouverner autrement, en s’appuyant sur les idées-forces consignées dans le plan de développement à long terme, en tirant le meilleur parti possible, du point de vue méthodique, de l’expertise publique ou privée existante, qui servirait alors de conseil ou d’appui opérationnel aux membres du gouvernement.
Pour mémoire, il existe même au-delà de ces expertises reconnues, un Programme de modernisation de l’administration par l’introduction de la gestion axée sur les résultats (PROMAGAR), instance logée dans les services du chef du gouvernement, et qui commence à faire de la pédagogie dans ce domaine.
A la vérité, le changement de gouvernance auquel invite le chef de l’Etat doit être compris comme la nécessaire remise en cause individuelle et collective d’une gestion particulière des affaires publiques qui a trop longtemps privé le pays de résultats et de dividendes. Est-ce parce que la dimension politique, représentative, du ministre prenait l’ascendant sur sa dimension de gestionnaire ? Tenir des meetings, offrir des agapes, aller au contact des populations, susciter des motions de soutien, est important dans le cahier de charges d’un ministre. Mais la gestion efficiente et rapide des dossiers, la prise d’initiatives, la recherche de solutions aux nombreux problèmes à lui soumis, ou même à ceux qui ne se posent pas encore, est tout aussi vital. Sinon, il court le risque de ne plus avoir à offrir que du vent à des populations faméliques. De quoi mettre en péril le crédit accordé au président élu dans la capacité d’apporter des réponses concrètes aux difficultés des gouvernés.
En un mot comme en cent, les bons résultats du travail gouvernemental permettent au président élu de grossir le gâteau national et d’augmenter les parts individuelles, de construire les routes et les ponts, les hôpitaux, les écoles, les logements, de donner de l’eau et de l’électricité, d’offrir de plus en plus d’emplois et de sécurité.
Dans le cas contraire, lorsque les résultats sont peu probants, le risque est grand que les populations amères et désabusées se persuadent de ce qu’écrivait un auteur italien du XXe siècle, Ignazio Silone : «Le gouvernement a un bras long et l’autre plus court : le long sert à prendre, et il arrive partout ; le bras court sert à donner, et il n’atteint que les plus proches…»