On espère ne plus retomber dans ce passé, après la belle journée de dimanche. Mais les enjeux du scrutin sont tels qu’il serait prématuré de croire que le Sénégal s’est définitivement tiré d’affaire. L’opposition regroupée sous le label M23 - en référence au 23 juin 2011, date de la manifestation qui fit reculer le président sortant sur le terrain d’un projet de révision constitutionnelle controversé – tiendra absolument à obtenir par les urnes ce que la pression de la rue n’a pas pu leur offrir. Le second tour de l’élection pourrait, au cas où il opposerait Abdoulaye Wade à Macky Sall – ainsi que l’indiquent les premières tendances – ou à un autre candidat de l’opposition, se muerait sans doute à un référendum pour ou contre Wade. Lequel aurait du mal à gouverner, si cette hostilité persistait, même en cas de victoire.
Toutefois l’opposition aurait à présent du mal à revenir dans la rue sans faire figure de mauvais perdant. Une démarche de cette nature serait en effet peu cohérente, après avoir perdu une élection crédible. Autant la sagesse recommande de ne pas mettre tous ses œufs dans un même panier, autant elle décommande davantage, pour le cas d’espèce, d’essayer de naviguer sur deux pirogues à la fois. Au demeurant, tous les candidats ont accepté la voie des urnes. Tous ont suffisamment loué la maturité du peuple sénégalais à l’issue du scrutin de dimanche pour lui demander, après coup, de contester par la suite son propre choix. Avec la même maturité, il ne faudrait pas s’étonner que ce peuple récuse une telle sollicitation qui ne serait que le choix de l’aventurisme. De la même manière, le président sortant aurait du mal, en cas de défaite, à trouver des subterfuges pour s’accrocher au pouvoir.
L’exemplaire alternance à la tête de l’Etat opérée en 1981 et 2000 par les deux premiers présidents, Léopold Sedar Senghor et Abdou Diouf, laquelle institua l’exception démocratique sénégalaise, impose aujourd’hui à la classe politique des limites à ne pas franchir.