Bannière

Newsletter


Publicité

Bannière
PUBLICITE

Dossier de la Rédaction

PUBLICITE
Bannière

De l'opposition

Il fut un temps où la société et les journalistes s’amusaient des coups de sang de l’opposition parlementaire à l’Assemblée nationale. C’était au lendemain de la restauration du multipartisme, en 1992 :

politique de la chaise vide, échanges musclés et déclarations fracassantes, menaces à peines voilées, claquements de portes… Toute cette animation, après de longues années de monolithisme où la fronde des élus pouvait apparaître comme une véritable hérésie, fascinait les médias autant qu’elle façonnait, de manière inconsciente mais sûre, la culture démocratique. A la rédaction de Cameroon Tribune en particulier, où le débat sur l’utilité de cette « théâtralisation du dialogue politique » s’était transporté, il s’était même formé deux camps : ceux qui applaudissaient l’animation et l’ambiance carnavalesque de la Chambre, et ceux qui sanctuarisaient le Parlement et s’indignaient de ces amusements puérils qui faisaient diversion et favorisaient la dispersion.

Deux décennies plus tard, alors que le Parlement réuni en session extraordinaire débattait du code électoral, le spectacle des documents de travail jetés avec fracas sur le plancher par une députée, comme de vulgaires breloques qui provoqueraient l’urticaire, nous amuse beaucoup moins, et peut même paraître choquant, au regard du respect dû à la collégialité des élus et à l’institution qu’elle représente. De même, on peut s’interroger sur la pertinence du message envoyé par les stratèges du SDF – oui, le SDF comme en 1992 – en se ruant bruyamment hors de la séance plénière d’examen de la loi, suivi de l’UDC…

Le risque est grand à la vérité pour une certaine opposition d’apparaître comme des enfants gâtés qui boudent le repas dès lors qu’il n’y a au menu que des légumes sans sel, et non de la bonne viande de bœuf. Car enfin, dans une configuration parlementaire où le rapport de force est en sa défaveur de manière aussi marquée, l’opposition sait que les projets de loi déposés par le gouvernement peuvent certes être malmenés, amendés, comme ce fut le cas avec le code électoral, mais non pas rejetés ou réécrits de fond en comble. Elle sait aussi qu’il est hautement improbable que des amendements ouvertement anticonstitutionnels puissent prospérer dans un pays où la tradition de l’exercice du pourvoir a toujours sacralisé la loi fondamentale. Dès lors, pourquoi entamer une surenchère qu’on sait sans effet par avance, sinon pour amuser la galerie et faire le buzz dans les médias ?

La session ordinaire et la session extraordinaire du parlement qui viennent de se terminer mettent en évidence, à notre avis, deux faits majeurs :

Le Parlement prend à cœur sa double mission : contrôler l’action du gouvernement et légiférer. Certes, cela ne date pas d’aujourd’hui, mais on a encore pu l’éprouver. Sans complaisance et sans faiblesse aucune, les représentants du peuple ont assuré le job, allant jusqu’à s’opposer ouvertement à des dispositions du projet de code électoral, alors même que la majorité d’entre eux partagent l’idéologie et la vision de ce gouvernement. Bien plus, lors des questions orales au gouvernement, les députés se sont fait l’écho sans aménité, des difficultés auxquelles font face quotidiennement les Camerounais, interpellant le gouvernement pour comprendre mais aussi pour placer celui-ci devant ses responsabilités. Les bébés volés dans les hôpitaux, le système de nomination à de hauts postes de responsabilité et le recrutement des 25 000 diplômés à la Fonction publique, le suivi du Budget d’investissement public pour s’assurer que les Grandes réalisations… se réalisent. Tout y est passé.

Pour schématiser cette montée en puissance du pouvoir parlementaire, des journalistes ont pu écrire que les députés « humiliaient » le gouvernement… Mais sans doute s’agit-il tout simplement d’un rééquilibrage des forces entre les deux pôles, qui crédibilise le système démocratique camerounais bien mieux que de longs discours.

L’opposition a encore tout à construire : une envie d’exister, un projet commun.

En scrutant diverses attitudes des partis politiques d’opposition représentés à l’Assemblée nationale lors de la dernière session parlementaire, on peut mesurer le chemin qui leur reste à parcourir pour constituer une voie, une force, un pôle de pouvoir. Il est évident qu’après avoir raté l’occasion historique de s’accorder lors de l’élection présidentielle d’octobre 2011, l’opposition ne s’est pas donné les moyens de constituer un axe, même minoritaire, de pouvoir, et de peser efficacement dans le débat politique. Elle ne peut dès lors qu’essayer d’exister à travers quelques coups d’éclat et compter sur la complaisance médiatique pour amplifier une voix qui n’est ni construite, ni cohérente, avec près de 300 formations politiques bâties non pas au nom des idées, mais autour des egos de quelques individus. Et voilà certainement son sort pour les six années à venir au moins, en l’absence de stratégie d’union et de réflexion concertée autour d’un projet alternatif.

Le code électoral, après des discussions parfois houleuses et des amendements importants, consacrant la volonté d’ouverture du pouvoir, est donc là. Dira-t-on qu’il est une loi au rabais ? Que non ! Il est le fruit d’un grand débat, et d’un partage d’idées salutaire. Et l’on ne peut s’empêcher de louer cette démocratie camerounaise qui n’est pas virtuelle, qui est unique dans ses évolutions, et s’enracine peu à peu dans les mœurs politiques. Quoi que certains en disent.

Certes, comme l’écrit Henry Havelock Ellis, auteur anglais, « La Terre promise est toujours de l’autre côté du désert. » Faisons toutefois l’effort de regarder avec des yeux neufs ce qui se passe dans notre propre savane. Qui sait, nous pourrions y voir fleurir une robuste démocratie…

Commentaires (0)
Seul les utilisateurs enregistrés peuvent écrire un commentaire!

!joomlacomment 4.0 Copyright (C) 2009 Compojoom.com . All rights reserved."



haut de page  
PUBLICITE
Bannière