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Dossier de la Rédaction

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Bouba N’Djida: là où chantaient les éléphants

Dans ce parc de 220.000 hectares où la splendeur de la faune le dispute à l’exotisme des décors, l’épisode du massacre des pachydermes a laissé une marque prégnante.

Le voile de la nuit se dissipe progressivement, et avec lui s’éloignent les rugissements sourds de lion qui ont rythmé une partie de la nuit dans le campement de Bouba Ndjida. Les premières heures de la journée sont toujours les meilleures pour visiter le parc. En cette grande saison sèche, c’est le moment où l’on peut le mieux profiter des dernières gouttes d’humidité qui imbibent l’air. C’est aussi celui où les animaux sont de sortie, et peuvent être contemplés depuis les kilomètres de pistes qui desservent le parc. C’est enfin le moment pittoresque où la lueur tamisée des premiers rayons de soleil, filtre sur le vert des feuilles d’arbre, pour permettre à Bouba Ndjida de révéler toute sa beauté.

Dans un Cameroun dit « Afrique en miniature », le parc de Bouba Ndjida pourrait être à son tour qualifié de « Cameroun en miniature », du point de vue de sa flore et de sa faune. Au fil des kilomètres avalés, on passe successivement des décors forestiers équatoriaux, au cadre plus austère de steppe sahélienne, en passant par des coins de mangrove ou encore des tapis sablonneux. Une mosaïque de décors qui voit aussi défiler une variété impressionnante d’animaux. Pas toujours évident à distance, de bien distinguer les différences entre espèces, d’autant que les spécimens aperçus ont tôt fait de décamper en attendant les ronflements de moteur. Reflexe normal ? Pas à Bouba Ndjida en tout cas. Notre guide, un capitaine du Bataillon d’intervention rapide (BIR), explique que la multiplication des safaris touristiques avait fini par accoutumer les pensionnaires du parc à la présence humaine et aux bruits de leurs engins roulants. Des lions venaient d’ailleurs régulièrement siester au petit aérodrome qui jouxte l’entrée du campement.

Mais voilà, depuis, l’épisode du massacre des éléphants est passé par là. La présence humaine est redevenue signe de menace pour les animaux, qui pour beaucoup ont rejoint la brousse profonde. En plus de deux heures de visite, nous n’apercevrons pas de lion, pas plus que de girafe, deux des « vedettes » les plus recherchées par les touristes qui viennent à Bouba Ndjida. Mais surtout, malgré le calme paisible qui habille cette aire protégée, aucun barrissement d’éléphant, chant mélancolique qui faisait pourtant l’identité remarquable du parc. Les seuls pachydermes à voir, des carcasses dont la lente putréfaction peine à s’estomper avec le temps. Les cadavres les plus récents ont plus d’un mois. Leur spectacle ravive pourtant comme si elles dataient d’hier, l’horreur de la barbarie des massacres et cette mélancolie diffuse qui semble se répandre sur tout le parc. A l’encre des larmes de ces éléphants, beaucoup de choses auront été écrites sur Bouba Ndjida ces derniers temps. Mais par son silence lourd, le parc lui, en dit bien plus long que tous les discours.

Menaces

Car loin des guerres de chiffres, la vaste étendue de forêt semble conserver une part d’insondable mystère. Ses 220.000 hectares de superficie, prolongés par une large bande de forêt du côté du Tchad, sont serpentés par seulement 700 km de pistes aménagées. Ils sont donc bien peu, en dehors des animaux, à pouvoir dire avoir complètement exploré le parc. C’est en 1960 que le lamido de Rey Bouba d’alors, va rétrocéder cet espace à l’Etat, qui l’érige en parc pour y conserver les multiples espèces, dont plusieurs menacées, qui le peuplent. L’éland de Derby, espèce rarissime, ne vit aujourd’hui que dans deux endroits dans le monde : la République centrafricaine, et le Cameroun, au parc de Bouba Ndjida. L’accès y est difficile. En passant par Tcholliré, il faut presque une journée entière de route depuis Garoua, dans un relief rocailleux abrupt, traversé de pistes sablonneuses mouvantes. Jouir de la féérie de Bouba Ndjida est à ce prix-là. De sa féérie mais de sa richesse aussi. On parle des animaux du parc, mais le sol de cet espace est aurifère. Et tout autour du parc, des zones cynégétiques (aires de chasse) exploitées par des expatriées, mais également quelques villages – dont certains spontanés, peuplés autant de Camerounais que de Tchadiens, Nigérians ou Maliens, dont les activités ont tôt fait de traverser les frontières du parc.

C’est donc un espace tout à la fois ouvert et pris en étau, qui doit faire face au quotidien à bien plus d’ « attaques » que celles du braconnage transfrontalier. Un braconnage interne, de subsistance le plus souvent, l’orpaillage clandestin, le nomadisme pastoral (avec plus de 80% du bétail venant de pays étrangers), qui sont autant de menaces que les seuls éco-gardes affectés à la conservation, ne peuvent contenir. Selon Paul Bour, promoteur touristique et grand connaisseur du parc, Bouba Ndjida disposait d’une ligne de défense supplémentaire : ses éléphants. C’est surtout eux qui ont jusqu’ici nourri l’attrait touristique pour le parc, et assuré une activité régulière sur le site, qui avait un effet de dissuasion. Aujourd’hui, on n’entend plus chanter les pachydermes, le niveau d’activité s’en ressent, tant pour les visiteurs que pour les animaux. Le parc sans son imposant symbole, est plus vulnérable que jamais. Son silence laisse fuser un message qu’on résumerait en trois lettres : S.O.S !

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