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Dossier de la Rédaction

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"Mohamed Morsi devra modérerer l’islamisme ou se frotter à l'armée"

Pr. Joseph Vincent Ntuda Ebodé, chef du Centre de Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques de l’Université deYdé II.


Comment analysez-vous le blocage survenu, ces derniers jours, dans le processus démocratique en Egypte ?

On peut faire plusieurs types de lectures. D'abord, il est évident que les militaires égyptiens, au pouvoir depuis longtemps, après avoir été surpris dans un premier temps, se sont rapidement réorganisés pour contrer la rue. Dans cette logique, les leçons tirées des processus de transition dans les autres pays arabes en mouvement ont été capitalisées. En réalité, au-delà du fait que seule la Tunisie (premier pays à s'être lancé dans cette dynamique de révolution par le bas ou par la rue), semble se stabiliser, dans tous les pays arabes, ce sont les islamistes qui gagnent du terrain au terme des processus électoraux. Or, l'Egypte est un pilier particulier dans la stabilisation des relations monde arabe/monde occidental. Et c'est là, le second niveau de lecture. En fait, une paix durable entre Israël et le monde arabe dépend de la nature du régime en place en Egypte. Depuis les accords de Camp David, l'Egypte dirigée par les militaires est resté un allié fiable d'Israël et des Etats-Unis. Un changement de régime d'obédience islamiste, dans un contexte sous-régional dominé par cette mouvance et l'humiliation des militaires signifie, incontestablement, la remise en cause de la relation privilégiée avec Israël et les Etats-Unis. Dès lors, surgit un troisième niveau d'analyse. L'intérêt du monde occidental en général et d'Israël en particulier, commande que les islamistes ou tout autre groupe n'accèdent au pouvoir en Egypte que s'ils ont donné des garanties. La corporation militaire devant s'assurer que ces garanties seront respectées. Vous pouvez donc comprendre qu'en réalité, ce blocage correspondait à une phase de négociation secrètes entre les militaires, le candidat présumé gagnant et les principales puissances occidentales, en tête desquelles, Israël et les Etats-Unis. En somme, c'est à peu près quelque chose comme ce à quoi on a assisté en Afrique du Sud, pendant le processus de transition qui conduira Mandela au pouvoir.

Au final, Mohammed Morsi a remporté la présidentielle mais l’armée a suffisamment préparé le terrain pour rester maîtresse du jeu politique. Quelle suite peut-on envisager ?

L'analyse qui précède permet déjà de comprendre que l'armée joue et jouera pendant longtemps encore un rôle central dans la politique intérieure et étrangère de l'Egypte. Mais ce qui est important à comprendre, c'est que l'intérêt de l'Occident même, au-delà du politiquement correct des discours, commande qu'il en soit ainsi. Souvenez-vous de la première vague de démocratisation du début des années quatre vingt-dix et de ce qui est arrivé au Front islamique du salut (FIS) en Algérie. La longue guerre civile qui en a suivi permet de comprendre la modération actuelle. On préfère scier les dents des islamistes, plutôt que de les chasser manu militari comme ce fut le cas en Algérie. Mais, à condition qu'ils acceptent d'être modérés. Les armées dans le monde arabe de manière générale et dans le Maghreb en particulier, majoritairement formées dans les écoles occidentales, se présentent comme les garants de cette modération ou de cette modernité.

Cette stabilité recherchée n’est-elle donc pas menacée, vu que le peuple se retrouve désormais otage entre l’enclume islamiste et le marteau militaire ? Ne risque-t-on pas de déboucher sur une autre révolution ?

Bien évidemment, on peut dire que le peuple est entre l'enclume et le marteau. Mais je me méfie souvent de cette expression de peuple qui, dans la mobilisation, pose plus de problème qu'il n'en résoud. En philosophie politique, le peuple est un et indivisible. Cela signifie qu'aussi bien les islamistes que les militaires font partie du peuple. Sur cette question donc, toutes les portions d'une population se valent, puisque c'est leur totalité qui fait le peuple. En conséquence, ce qui est important, ce sont les valeurs portées par un groupe; dès lors qu'elles ne portent pas atteinte aux droits naturels des individus et qu'elles sont soumises à l'ensemble de la population pour être votées, avant de devenir contraignantes. Or , c'est justement à ce niveau que l'Islamisme pose problème, dès lors qu'il a pour prétention de s'opposer à la laïcité qui reconnaît la liberté de tous en matière de foi. En conséquence, on peut considérer l'islamisme comme un danger aussi bien en Egypte qu'ailleurs. Cela signifie comme je l'ai dit plus haut que, face à la menace islamiste, et à défaut d'en trouver des modérés, les militaires resteront la pièce-maîtresse de la transition et, soutenus par l'Occident, le peuple finira par s'accommoder.

Au point où on en est, que faut-il faire pour sortir l’Egypte de cette situation ?

Il y a deux possibilités. Si Mohammed Morsi, l'islamiste élu décide de gouverner au Centre. C'est-à-dire d'abandonner les préceptes de l'islamisme fondamentaliste comme l'imposition de la Charia ou du tchador ... à tous, un accord peut être trouvé avec les militaires. Dans ce cas, il sera combattu par ses électeurs islamistes. Mais sa sécurité pourra être garantie par l'armée, elle-même soutenue par l'Occident. A défaut de trouver un président qui peut accepter de se renier, les militaires risquent de l'empêcher de gouverner, d'une manière ou d'une autre. Dans les deux cas cependant, on peut craindre des vagues d'attentats terroristes. La question n'est donc pas de savoir si l'Egypte va s'en sortir. Je crois que l'Egypte a un Etat fort. La véritable question est de savoir au bout de combien temps le système pourra se stabiliser, en éradiquant les expressions politiques non conventionnelles? C'est-à-dire les actes terroristes.


Pr. Joseph Vincent Ntuda Ebodé : « Le blocage correspond à une phase de négociation entre les belligérants.»

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