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Dossier de la Rédaction

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« C'est le résultat de la détermination de toute une sous-région»

L'anlayse du Dr Côme Damien Georges Awoumou, chercheur à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique centrale, après l'élection de Dlamini-Zuma à la présidence de laCommission de l'Union africaine.

Comment analysez-vous ce 19ème sommet de l’UA achevé lundi dernier ?

Il s’agit avant tout d’un sommet ordinaire, au propre comme au figuré. La période de sa tenue est conforme aux prescriptions statutaires en vigueur en la matière. Les sujets débattus, qui ont tourné autour du thème central « Promouvoir le commerce intra-africain », ont relevé des préoccupations du moment de notre continent. La participation, comme toujours, a été importante avec une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement africains, en présence de l’Emir du Koweït, Cheik Sabah Al-Ahmad Al-Sabah, invité spécial de la rencontre aux côtés du Secrétaire général adjoint des Nations unies, Jan Eliasson et des délégations de haut rang venues d’Allemagne, de Chine, de Cuba, de Haïti, d’Inde, de Finlande, de Norvège, du Luxembourg, de Turquie, de Russie et de Serbie. Même l’élection du président de la Commission de l’UA pour les quatre prochaines années, qui a largement dominé les travaux, ne s’est pas beaucoup éloignée de l’approche africaine en la matière ; Pour s’en convaincre, il suffit de sonder le contexte qui a marqué chacune d’elles depuis l’Oua jusqu’à l’UA (désignation de Diallo Telli, élection de William Aurelien Eteki Mboumoua, succession d’Edem Kodjo, etc.). Les lignes de clivages observées entre sous-régions du continent, entre pays anglophones et francophones, entre progressistes et conservateurs…sont anciennes et/ou permanentes. Il en est ainsi dans toutes les organisations internationales de même nature et envergure (Onu, UE, Oea-Organisation des Etats Américains, Oci-Organisation de la Conférence Islamique, Ligue des Etats Arabes, etc.). Aussi est-il est souhaitable que les Africains cessions d’arrimer le pouls de nos battements de cœur en ce qui concerne l’organisation panafricaine à l’aune des représentations et perceptions subies (avec des expressions du genre (« l'UA n'a plus le droit d'échouer », « l'UA a étalé au grand jour ses divisions », « Tout nouvel échec signifiera la division du continent »…).

Dr Awoumou : « L’ambiance de l’élection du président de l’exécutif de l’UA doit être appréhendée avec sérénité et lucidité ».


La Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma a finalement été élue à la tête de la Commission de l’union africaine. Quel commentaire ?

D’un point de vue structurel, l’Afrique est un continent qui traverse une période de mutations importantes sur plusieurs plans (démographie, composition et compétence des élites, approche genre, style de leadership, systèmes politiques, modes de régulation des économies, appropriation des Ntic, etc.). Ces changements déterminent la restructuration de l’échiquier diplomatique africain, au profit notamment de l’Afrique Australe qui, d’après plusieurs observateurs, s’affirmerait depuis la fin de l’apartheid comme la sous-région qui, par le tempérament de ses leaders, son organisation, son fonctionnement et ses performances incarnerait aujourd’hui le mieux les aspirations africaines. A cet égard, la victoire de Mme Nkosazana Dlamini-Zuma peut être perçue comme le résultat de la détermination de toute une sous-région sous la houlette, bien entendu, de l’Afrique du Sud.

Pour une lecture complète, il faudrait surtout avoir en mémoire que certains des membres importants l’UA (Afrique du Sud, Nigéria, Egypte) sont engagés dans une rivalité diplomatique globale dont l’enjeu majeur est la conquête du siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu promis au continent africain. Aussi est-il question pour chacun de ces pays de se doter du maximum d’atouts et de leviers d’influence qui pourraient faire pencher la balance, le moment venu, de son côté. Il s’agit aussi pour chacun de ces Etats candidats de manœuvrer pour être perçu comme le pays qui promeut le mieux la démocratie, le développement et l’indépendance réelle du continent africain. A ces paramètres de fond, s’ajoute des facteurs conjoncturels comme les séquelles des crises ivoirienne et libyenne, etc.

Toutefois, au terme de ce scrutin et par-delà les qualités personnelles et professionnelles reconnues à cette Dame, la question essentielle est de savoir si Mme Nkosazana Dlamini-Zuma réussira à disposer de moyens et d’une marge de manœuvre lui permettant d’assumer les prétentions affirmées au cours de sa campagne électorale ? Pourra-t-elle réussir là où même un ancien chef d’Etat (Alpha Oumar Konaré) a éprouvé d’énormes difficultés ?

L’intervention militaire internationale voulue par la Cedeao et l’UA semble aujourd’hui bloquée par un accord encore attendu de l’Onu. Cela fait en quelque sorte ressurgir le problème de la dépendance de l’Union africaine aux autres grands espaces. Cela pose-t-il un problème ?

D’une manière générale, il convient de rappeler que la Charte des Nations Unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945 confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour s’acquitter de cette responsabilité, le Conseil de sécurité peut prendre une série de mesures, y compris la création d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies. La base juridique d’une telle action se trouve dans les Chapitres VI, VII et VIII de la Charte des Nations Unies. Tandis que le Chapitre VI traite du « Règlement pacifique des différends », le Chapitre VII contient des dispositions relatives à l’« Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’actes d’agression ». Le Chapitre VIII de la Charte prévoit également la participation de dispositifs et d’arrangements régionaux dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales pourvu que leurs activités soient conformes aux buts et aux principes énoncés dans la Charte. En mots simples, la collaboration que vous évoquez entre l’Onu, l’UE et la Cedeao relève du chapitre VIII.

D’un strict point de vue africain, depuis le Mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits de l'OUA créé en juin 1993 au Caire, entériné par l’architecture mise en place dans le cadre de l’UA, les partitions respectives en la matière sont assez claires. Par conséquent, la procédure suit tout simplement sont cours normal. Ce qui est à dissocier de la problématique majeure et vraie relative à la « dépendance » de l’UA. Il s’agit là d’un tout autre débat renvoyant notamment aux moyens (institutionnels, humains, logistiques, financiers) que les Etats africains mettent au service de leur ambition d’unité africaine et d’indépendance de l’Afrique.

L’Afrique peut-elle à l’heure actuelle, prendre en main son destin ? Comment ?

La question centrale est effectivement de savoir à partir de quand l’UA se dotera d’une dynamique propre et suffisamment contraignante, capable d’en faire un acteur maître de son destin ? Le traitement de cette problématique incombe à tous les Etats membres et passe notamment par les trois étapes suivantes : l’affirmation effective d’une volonté politique par chacun des Etats membres, la stabilisation de la situation politique interne respective des Etats membres, l’enracinement d’une logique de croissance économique dans chacun des Etats membres. Pour ne prendre que l’exemple du point relatif à la volonté politique des Etats membres, elle peut être mesurée à partir des indicateurs tels : la présence effective aux réunions des différentes instances de l’UA, la participation active aux processus de prise de décisions et à la mise en œuvre de celles-ci, le paiement en temps réels des contributions statutaires…

L’Afrique peut-elle à l’heure actuelle, prendre en main son destin ? Comment ?

La question centrale est effectivement de savoir à partir de quand l’UA se dotera d’une dynamique propre et suffisamment contraignante, capable d’en faire un acteur maître de son destin ? Le traitement de cette problématique incombe à tous les Etats membres et passe notamment par les trois étapes suivantes : l’affirmation effective d’une volonté politique par chacun des Etats membres, la stabilisation de la situation politique interne respective des Etats membres, l’enracinement d’une logique de croissance économique dans chacun des Etats membres. Pour ne prendre que l’exemple du point relatif à la volonté politique des Etats membres, elle peut être mesurée à partir des indicateurs tels : la présence effective aux réunions des différentes instances de l’UA, la participation active aux processus de prise de décisions et à la mise en œuvre de celles-ci, le paiement en temps réels des contributions statutaires…

Pour finir, quelles sont les leçons de ce sommet ?

La création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), puis de l’Union Africaine (UA) se fonde sur ce que certains ont qualifié de « mystique de l’unité africaine ». Ce qui induit que vous ne rencontrerez presque jamais un seul leader africain qui œuvre ouvertement pour la disparition de l’organisation panafricaine. Autrement dit, l’ambiance inhérente à chaque élection du président de l’exécutif de l’UA devrait souvent être appréhendée avec sérénité et lucidité. En effet, dans le fonctionnement de toutes les organisations (familiales, étatiques, internationales…), et sur tous les continents, la survenue de ce genre d’évènement est presque « normale ». Car, le comportement des acteurs en présence est toujours structuré par différents types d’enjeux. Aussi ces acteurs en viennent-ils souvent à déployer des jeux ou rapports de force qui, parfois, peuvent se traduire par des situations de blocage. C’est ce qui est qualifié par certains de luttes d’influence. Observez par exemple ce qui se passe actuellement à l’ONU au sujet de la Syrie. Il en est de même pour l’Union européenne sur des questions telles que : la survie de l’euro, l’immigration, la politique européenne de défense et de sécurité, etc.

Toutefois, le risque pour Mme Nkosazana Dlamini-Zuma et son pays est que cette victoire soit perçue par les autres sous-régions comme une expression aboutie de l’arrogance sud-africaine. En effet, il est déploré la rupture de certains principes qui ont jusqu’à présent présidé au bon fonctionnement de l’organisation continentale, notamment la règle des deux mandats et l’abstention des cinq grands contributeurs au budget de l’UA (Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Libye et Nigeria) et du pays hôte (Éthiopie) de briguer la présidence de la Commission. A cela s’est ajouté des scènes de joie des délégations sud-africaine et d’Afrique Australe qualifiées de discourtoises par les autres Etats. Compte non tenu déjà de ce que la politique pratiquée par Pretoria en matière de régulation des flux migratoires est taxée de « xénophobe » et « ingrate » par les autres Africains, qui n’hésitent par à rappeler le caractère déterminant de leur action pour la fin de l’apartheid. Pour l’Afrique du Sud, ce pays ne va-t-il pas le payer à moyen et long terme ? Quant à Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, pourra-t-elle bénéficier de la franche collaboration des autres sous-régions ? L’avenir va dépendre de l’habilité manœuvrière du gouvernement sud-africain et de Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, à cet égard.

Propos recueillis par Hugues Marcel TCHOUA

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