Elle n’est pas passée inaperçue, cette récente décision de l’autorité en charge des marchés publics au Cameroun parue dans ces mêmes colonnes. C’est que l’acte ministériel considéré est tombé comme un couperet par rapport à un appel d’offres lancé quelques mois plut tôt. « Infructueux », a tranché le ministre. A l’origine, « de fausses déclarations contenues dans les offres de deux soumissionnaires ayant répondu à l’appel d’offres ». La suite du texte renseigne sur la nature et l’ampleur des actions frauduleuses sanctionnées : fausse caution, d’une part, et fausse déclaration sur un conducteur des travaux, d’autre part.

S’il convient, certes, de se garder de toute extrapolation tendancieuse sur la base de deux soumissionnaires indélicats par rapport à la myriade d’« opérateurs économiques » qui déploient leurs activités dans le très sensible secteur des marchés publics à travers le pays, les « prouesses » de ces faussaires – que d’aucuns s’empresseront certainement de ranger parmi les « brebis galeuses »– leurs pratiques scandaleuses n’en révèlent pas moins une facette des réalités fortement ancrées dans le milieu. Et qui s’adossent à une nuance près sur des raccourcis plus ou moins subtiles pour piller le trésor public. Avec, n’en doutons pas, des complicités particulièrement intéressées au cœur du système des marchés publics. De l’attribution à l’évaluation, en passant par l’exécution et le suivi. Une chaîne de solidarités bien huilée dans des logiques de prédation minutieusement élaborées au sein de cabinets occultes autrement habiles.

Au bout du compte, il faut le déplorer, une atteinte d’autant plus injustifiée sur la fortune publique que ces actes de délinquance économique hypothèquent et compromettent gravement le progrès social et le développement du pays. En dépit des immenses sacrifices consentis par l’ensemble de la communauté nationale. Il est courant, dans ce contexte de prévarication largement répandue, d’observer un peu partout à travers le territoire national ce spectacle désolant d’infrastructures et équipements en décrépitude à peine réceptionnés. D’où un éternel recommencement sur nombre d’ouvrages essentiels dont la réalisation aura été confiée, en toute conscience, à des mains inexpertes. Sur la base de magouilles et autres « coefficients de correction » extravagants.

Avec pareilles dérives, il est clair que les responsables du nouveau ministère en charge des Marchés publics ont du pain sur la planche en vue de faire régner ordre et orthodoxie dans le secteur. D’autant qu’ils trouveront en face d’eux, non pas des enfants de chœur ou des victimes résignées, mais bel et bien des requins aux crocs acérés, une capacité de nuisance parfois insoupçonnée. Des margoulins aptes à développer les résistances les plus farouches, les plus détestables dans le but de pérenniser un système prébendier dont ils tirent largement profit. A ceux dont la délicate mission est de défendre la règle, les lois et règlements de la République de se donner les moyens - tous les moyens - pour faire triompher l’intérêt général. Afin de donner un contenu concret aux Grandes Réalisations voulues par le chef de l’Etat. Toute autre attitude de la part de ces mousquetaires les conduirait à faire la courte échelle aux adeptes de la forfaiture qu’ils sont chargés de traquer. Bien plus, ce serait trahir la confiance placée en eux. Ils ne sauraient se le permettre.