Il ne faudra pas moins de trois heures de route pour rallier notre point de chute. Installé non loin de l’entrée principale du Parc national, le quartier général des opérations du 4e Bir se signale par une enceinte entièrement sécurisée par des murs en béton. Ici et là, des bâtiments en forme d’énormes cylindres métalliques abritent des combattants visiblement aguerris et prêts à toutes les éventualités. C’est dans la salle des conférences située à l’entrée du camp qu’une séance de travail a été prévue avec les principaux responsables du dispositif opérationnel sous la présidence du général de brigade Tumenta Chomu Martin. Occasion pour le commandant de la 3e région militaire interarmées basée à Garoua, de présenter la zone placée sous son commandement qui couvre les trois circonscriptions régionales de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord. La troisième région militaire interarmées a donc pour principale responsabilité d’assurer la sécurité permanente de manière à pouvoir faire face à toute forme de menace, afin que l’intégrité territoriale de toute la circonscription territoriale de la région militaire interarmées puisse être préservée. Pour mener à bien cette mission de la défense opérationnelle du territoire, la disponibilité de toutes les forces ( air, terre et mer) implantées, stationnées ou détachées dans la région militaire interarmées est acquise. Le commandant de la troisième région militaire situe sa responsabilité dans le cadre de « l’Opération Emergence 3» coordonnée par le général de corps d’armée, chef d’état major des armées. L’opération menée actuellement et intitulée « Peace at Boubandjida » est ponctuelle, à durée déterminée et se déploie dans le cadre de l’opération « Emergence 3 »avec pour but de préserver la biodiversité dans le parc naturel ainsi que l’intégrité territoriale de toute la zone frontalière. On se souvient qu’aux mois de janvier et février derniers, le Parc national de Boubandjida a été investi par des individus lourdement armés, en violation flagrante de l’intégrité territoriale du Cameroun (voir encadré).
C’est pour relever de défi sécuritaire que le Président de la République, chef suprême des armées, s’est personnellement investi dans la lutte contre le braconnage des espèces animales protégées, notamment des éléphants particulièrement décimés. D’énormes moyens ont été consentis en hommes et en matériels pour transformer la zone en un sanctuaire inviolable.
De la présentation de son commandant, le colonel Bouba, l’on apprend que l’opération « Paix à Boubandjida » qui s’étend sur une zone d’action de 100 kilomètres de profondeur a pour objectif d’interdire toute incursion des bandes armées dans le parc. Les 600 hommes du dispositif ont à leur disposition une logistique fournie et performante composée, entre autres, d’un centre antiterroriste, de 30 pickups tout-terrain, de camions, de matériels de combat, d’outils de communication satellitaire, de rations alimentaires, d’un hélicoptère de surveillance, etc. Jour et nuit, des éléments du centre antiterroriste sillonnent l’ensemble du parc pour traquer d’éventuels indices d’insécurité. Lors de leur passage samedi matin au parc, les journalistes ont pu constater de visu l’action menée au quotidien sur terrain. Les rondes incessantes de l’hélicoptère de surveillance dans le ciel avaient quelque chose d’insolite dans ce coin perdu du Sahel. Tout comme l’avancée en rangs serrés, de la patrouille pédestre du Bir. L’arme au poing, le pas décidé, l’air farouche, ces combattants intrépides semblaient prêts à toute éventualité. Selon le commandant de l’opération antiterroriste, tout est mis en œuvre pour mettre le parc ainsi que toute la zone frontalière à l’abri de toute attaque, d’où qu’elle vienne. Le trafic d’ivoire alimente en effet un marché international qui bénéficie de nombreuses complicités. Lors d’un briefing avec la presse à la veille du départ en mission, le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Edgard Alain Mebe Ngo’o, rappelait, fort à propos l’engagement du gouvernement, sur directives du chef de l’Etat, à protéger l’environnement et la biodiversité. En dehors de la lutte contre le braconnage, les forces spéciales s’attaquent également à d’autres activités illégales comme l’exploitation clandestine des ressources aurifères et autres. Les parcs naturels et autres zones cynégétiques sont dotés par ailleurs d’un fort potentiel économique à travers le tourisme et d’autres activités de loisirs. D’où la nécessité de leur préservation, à travers la sensibilisation et l’action. Le déploiement de moyens par le gouvernement ne relève pas de la philanthropie. La protection de la biodiversité et la défense des aires protégées sont devenues des préoccupations qui sous-tendent des enjeux à dimension planétaire qui impliquent à la fois la diplomatie, l’économie et la sécurité. De l’avis des spécialistes, l’opération antibraconnage menée actuellement à Boubandjida constitue par son ampleur une grande première et un standard au niveau africain. D’où le satisfecit d’un organisme comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) qui vient de manifester son soutien au Cameroun.