L'éclairage du politologue, consultant et enseignant-chercheur à l'Université de Douala.

Comment analysez-vous la tournure prise par les évènements au Mali au cours du week-end ?

Le temps de l’observation et de la planification est terminé, c’est le temps de l’action contre les groupes terroristes. Voici plus de six mois que les narcotrafiquants et les terroristes se sont installés au Nord du Mali, et menacent l’équilibre de toute la sous région. Il y a eu de nombreuses tractations au niveau des Nations unies sur cette question. Les Etats-Unis et la France avaient déjà exprimé leurs inquiétudes au sujet de ce déploiement du terrorisme dans le Nord Mali avec les possibilités de développements tentaculaires prévisibles; donc, il fallait juste un coup de départ pour passer à l’assaut.

Sur quelle force comptent les islamistes ?  

Les terroristes ont un mode opératoire qui a pour particularité d’être difficile à prévoir car, biens financés, très lourdement armés et équipés, ils ont en plus une forte propension à fonctionner en réseaux dynamiques transnationaux et transcontinentaux. Si l’armée malienne voulait vite attaquer, c’était probablement parce que les hommes qui la dirigent savent que plus on laisse du temps à ces groupes, mieux leurs financements circulent, mieux ils se multiplient, en recrutant et formant de nouveaux adeptes, plus ils sont difficiles à neutraliser et à démanteler.

Qu’est ce qui a amené la France à agir ?

Premièrement il faut savoir au-delà des discours que la France est présente au Mali depuis le 19^e siècle, même si la résistance touareg contre la présence française a été des plus denses et sanglantes. Ensuite, il serait peut-être judicieux de constater que les groupes terroristes et narcotrafiquants qui se sont installés au Nord Mali, ne s’y installent pas prioritairement pour combattre les Africains, mais pour se servir de l’Afrique, entre autres, comme base6arrière,  pour nuire en Occident. Enfin, la France a ses intérêts stratégiques et économiques à défendre dans la sous région Afrique de l’Ouest, et ne va pas laisser des groupes aussi dangereux s’imposer et orchestrer le chaos sur plusieurs pays, mettant ainsi à mal tout ce qui contribuerait à résoudre des problèmes plus pertinents en rapport avec les enjeux socio-économiques et politiques.

Comment entrevoyez-vous la suite des évènements ? 

Les terroristes vont tenter de financer rapidement les troupes du Nord Mali, pour que l’affrontement avec les militaires français soit pénible, aussi, vont certainement faire traîner l’issue du conflit pour que le temps leur permette de structurer la bataille sous des modes qui leur sont plus aisés, telle la bataille au sol, et qu’ils puissent y envoyer des troupes supplémentaires. Sauf que dans une zone désertique, la  configuration est différente des villes denses et très habitées. Le Nord Mali, 937.742 Km2, est un terrain assez vaste, marqué par l’aridité. Maintenant, il faut compter avec l’importante expertise des militaires français, la supériorité nette de leur technologie dans ce type de conflit, et le fait qu’ils soient capables avec une étroite collaboration avec leurs alliés de couper la route à tous ces brigands de grand chemin, qui rêveraient de faire du nord Mali, un autre champ de bataille du type Irak. Les terroristes se feront décimer au Nord Mali, mais ce sera plus compliqué que l’on le souhaite.

Guy Parfait Songue : « Il fallait juste un coup de départ pour passer à l’assaut.»