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Dossier de la Rédaction

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Le piège de l’indolence

Alors que le branle-bas des états-majors politiques est manifeste, la direction générale d’Elections Cameroon a annoncé hier dans les colonnes de votre journal le franchissement de la barre symbolique de 3 millions d’électeurs inscrits dans le cadre de la refonte biométrique du ficher électoral.

A cinq semaines de la date butoir de la fin du processus, ces chiffres jettent d’obscures clartés sur l’état d’esprit des populations camerounaises. Prompts à engager et nourrir des débats politiques enfiévrés dans les talk-shows médiatiques, dans les bars et les gargotes, nos concitoyens ont plus de mal à initier la démarche citoyenne d’aller volontairement s’inscrire sur une liste électorale.

Le rebond significatif enregistré depuis le début de l’année s’explique vraisemblablement par la décision présidentielle d’instaurer la gratuité de la carte nationale d’identité, mais cela suffira-t-il à les réveiller ? Même si l’on peut déplorer à juste titre un contexte rédhibitoire, avec l’insuffisance des kits d’inscription, l’enclavement de certains villages et des poches d’analphabétisme, il n’est pas exagéré de penser que les Camerounais souhaiteraient, pour consentir à s’inscrire, la situation confortable de caravanes itinérantes d’ELECAM déployées à travers quartiers et villages sans qu’ils aient à lever le petit doigt. D’ailleurs c’est déjà le cas dans les grandes villes où ELECAM, sous la pression du chiffre, se déplace dans les entreprises pour assurer l’inscription des électeurs. Entre indifférence et indolence, les Camerounais se complaisent ainsi dans une conception élitiste de la citoyenneté qui, si elle devait se poursuivre, desservirait largement à terme les partis politiques et l’exercice des droits civiques.

Le cas des femmes est bien plus étonnant encore. Outre qu’elles constituent la majorité de la population, elles passent, au Cameroun et au-delà, pour dynamiques, éclairées, et entreprenantes. Bien plus, dans les partis politiques, elles constituent sans aucun doute la substantifique moëlle, la force visible et invisible, le liant épais sans lequel aucune stratégie, aucune organisation, aucun combat, n’est envisageable.

Or, à voir les chiffres publiés par ELECAM, elles se font nettement distancer par les hommes. Alors, on peut se poser une question essentielle : tous les enjeux de ce processus sont-ils clairs pour les femmes de toutes conditions ? La sensibilisation est-elle suffisante dans les couches les plus vulnérables ? Pour certaines, en effet, aller s’inscrire sur les listes électorales représente une véritable hypothèque de la pitance quotidienne, dans la mesure où elles doivent abandonner sans espoir de compensation le champ ou le comptoir du marché, une journée durant. Mais peut-on sérieusement mettre en balance le devoir civique et la survie ?

Personne ne conseillerait aux femmes d’affamer leur famille, n’est-ce pas ? Mais elles doivent être amenées à comprendre que le sacrifice d’un jour est sans commune mesure avec les dividendes engrangés demain, pour elles-mêmes et pour plusieurs générations de femmes.

Voici le moment venu pour les décideurs, les ONG, les élites féminines et les activistes des droits de la femme, d’occuper toutes les tribunes disponibles pour renforcer la conscience politique de leurs congénères. Le choix est clair : s’inscrire, pour devenir demain, par son vote, un acteur majeur du débat politique, ou persister dans une coupable indifférence, et se résoudre à un rôle mineur, folklorique, dans la vie politique. Par exemple : chauffer les salles avant les meetings, faire foule dans les défilés, s’exhiber dans les danses et la harangue. Sans aucune possibilité de peser dans les choix de société à travers son bulletin de vote.

Et comment dans ces conditions, espérer améliorer le sort des femmes sans les femmes? Pour soutenir de nouvelles idées, une nouvelle vision, portées par des candidatures féminines lors des consultations électorales, les femmes doivent impérativement exercer leur droit de vote. Pour soutenir les projets politiques pertinents de leurs leaders, ou pour sanctionner les aventuriers de la politique ; pour solliciter, pourquoi pas, des suffrages pour elles-mêmes, comme les y encourage le chef de l’Etat, les femmes doivent commencer par s’inscrire sur les listes électorales. Cela doit être dit, en un mot comme en cent.

Il y a encore tant à faire, pour construire la société égalitaire que le chef de l’Etat s’attèle à bâtir, que les femmes ne peuvent pas se permettre de tomber dans le piège de l’indolence. L’égalité des chances, à l’école, dans la vie professionnelle et familiale. Les nombreuses conquêtes en perspectives dans la vie publique et privée. Les débats et les combats sont légion. Mais les femmes ne livreront pas ces batailles armes au poing, heureusement. Qu’elles se souviennent alors de la phrase célèbre d’Abraham Lincoln : « Un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil ! »

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