L’autre, sulfureux, exhalant à souhait l’excès et la controverse, à travers les jugements à l’emporte-pièce des politiques et des médias locaux. Ceux-ci dénigrent, à qui mieux mieux, l’accueil « au rabais » par la France de leur président, un président que certains vilipendent à longueur de journaux et de blogs. Ils querellent la qualité des interlocuteurs de Paul Biya à Paris, et celle des représentants français au forum France-Cameroun, tous des hommes politiques de renom et des industriels de haut vol, mais qu’ils ne trouvent pas assez cotés. Ils sanctionnent l’absence de signature de contrats avec la partie française avant même la fin de la visite, relèvent avec une emphase perfide l’absence de signes d’affection entre les deux leaders. Bref, ils disqualifient avec fracas et sans nuance une visite présidentielle qu’ils avaient mis le pouvoir au défi d’effectuer, puisqu’ils la jugeaient impossible au nom de « l’image déplorable » du Cameroun. Et comment ignorer qu’ils contribuent largement à construire une telle image, à force d’outrances polémiques et de dénigrement systématique de la patrie ?
Mais sans doute faut-il de tout pour faire un monde. La réalité démocratique est par essence plurielle, contradictoire. Sans chercher à tout prix un unanimisme de façade, nous sommes de ceux qui pensent qu’il faut un minimum de valeurs consensuelles dans un pays aussi diversifié que le nôtre. L’amour de la patrie est au premier rang de celles-là. Il oblige à vouloir le meilleur pour son pays, à être fier et jaloux de ses institutions, de ses richesses, à les défendre des pourfendeurs et des profanateurs.
Un peu d’objectivité et de sens patriotique aurait aidé à voir l’évidence : la visite de travail du président de la République en France est un succès. Pour plusieurs raisons :
Les pays n’ont que des intérêts, pas d’amis
Ceux qui font des gorges chaudes sur l’absence d’accolade ou de tête-à-tête perdent de vue que si la relation entre la France et le Cameroun peut être une affaire d’atomes crochus entre deux présidents, elle est d’abord et avant tout une affaire d’intérêts réciproques. Les hommes passent, les intérêts demeurent. Même si le « pré-carré francophone » est un concept désormais désuet, la France compte bien, dans ses anciennes colonies, revendiquer au nom de l’histoire et de la culture communes, une certaine primauté dans la coopération économique, comme le Royaume-Uni le ferait en Inde, par exemple. Sans insinuer que cette primauté aille forcément de soi. La crise économique en Europe rend même plus lancinante une telle attente, mais Paul Biya a indiqué qu’il privilégiait une coopération gagnant-gagnant, avec une plus-value, en termes de transfert de technologie notamment.
Quant au Cameroun, engagé dans la course au développement et déjà fort courtisé dans cette perspective, il multiplie les initiatives et les réformes structurelles destinées à accroître son attractivité face aux investisseurs. Le voyage de Paul Biya en France est ainsi placé sous le signe de la séduction : réaffirmer nos atouts, rassurer les investisseurs et la diaspora camerounaise sur la sécurité du cadre des affaires. Dans ce contexte et face à l’enjeu, les accolades paraissent bien dérisoires.
L’aura du président est plus éclatante encore au terme de la visite
Le bilan politico-diplomatique du séjour hexagonal du chef de l’Etat nous paraît à juste titre éclatant. En quelques jours, il aura rencontré les Camerounais de France, visiblement heureux de sa venue, le gotha français des affaires, la presse, et des hommes politiques de premier plan, qui appartiennent à des familles politiques diverses et variées. Ce qui démontre à profusion qu’il jouit de l’estime d’une bonne frange de la classe dirigeante française. Preuve que ce sont bien la Realpolitik et le pragmatisme qui commandent les relations entre nations, et non les sentiments.
Ce ne sont là que des constats et des réalités qu’aucun calcul politicien, ni aucun journaliste digne de ce nom, ne sauraient ignorer.