Le principal réalisateur du monument de la Réunification est décédé vendredi.
Le sculpteur émérite vient de rendre l’âme, vaincu par une longue maladie. La nouvelle du décès a été rendue publique vendredi dernier. La culture camerounais porte le deuil de ce monument qui lègue à la postérité plusieurs œuvres d’art
, dont le fameux Monument de la Réunification à Yaoundé. Lorsque nous débarquons hier matin à son domicile au quartier Nkolndongo, c’est le calme plat ou presque. Dans le hall, trois jeunes gens nous accueillent avec une certaine réserve. « La consigne est de ne pas faire de déclaration à la presse, vous pouvez vous rapprocher de l’aîné de la famille», confie l’un d’eux en nous tendant un numéro de téléphone. Joint plus tard, le titulaire du contact nous renvoie…au ministère de la Culture. Et pourtant, la triste nouvelle n’est plus qu’un secret de polichinelle.
Artiste jusqu’au bout des ongles, Gédéon Mpando est né en 1932 à Yabassi dans le Nkam.
L’homme se révèle au début des années 70 lorsqu’il est sollicité par les pouvoirs publics pour réaliser quelques œuvres d’envergure dans la capitale. La sculpture de cette femme aux formes opulentes donnant le sein à son bébé non loin de l’Hôtel de ville, est l’une de ses œuvres. Tout comme « Le penseur camerounais » ou la statue de Charles Atangana.
Nous avons encore en mémoire ce cours magistral lors d’un entretien il y a quelques années à sa résidence. Bien que visiblement fatigué, il nous raconta, avec une étonnante lucidité, son itinéraire social et artistique. Dès l’enfance, le petit écolier qu’il était avait appris à observer des éléments de la nature qu’il reproduisait par la suite en jolies figurines. Sa passion pour la sculpture va s’amplifier lors du passage à l’Ecole des Beaux Arts à Paris. « J'avais remporté le premier prix d'un concours qui consistait à représenter les populations camerounaises dans leur diversité. C'est ainsi qu'en 1969, j'ai pu me rendre en France», nous confiait-il. Il en profitera pour affiner sa technique. De retour au pays, il va mettre en œuvre les connaissances acquises. Son talent multiforme va s'exercer principalement sur le bois d'ébène, la pierre taillable, le staff ou le marbre. Le maître nous expliqua aussi la différence entre l’école réaliste inaugurée par Gustave Courbet et l’art figuratif plus porté sur la déformation du réel. On retrouve une synthèse de ces deux principaux courants artistiques dans ses réalisations majeures. A à ce jour son chef d’œuvre, le Monument de la Réunification a été réalisé avec le concours de l’architecte français Salomon. Cette statue qui représente un vieillard portant cinq enfants et tenant en sa main droite un flambeau a fait le tour du monde et tend à devenir un des symboles d’une capitale. Heureusement, d’autres réalisations hors de nos frontières ne manqueront pas d’inspirer des jeunes générations. A l’instar de son fils, Louis Franklin Essengue Mpando, lui aussi sculpteur, qui expose actuellement dans une galerie de la place.
