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Dossier de la Rédaction

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Après le sommet du Golfe de Guinée, place au travail

http://cameroon-tribune.cmLire le long entretien accordé à notre journal par le Pr. Alain Didier Olinga, chef de département de droit international à l’IRIC. Au lendemain du sommet des chefs d’Etat sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le golfe de Guinée, CT a choisi de donner la parole à des experts pour une explication idoine des enjeux et résultats de cette importante concertation des leaders politiques de cet espace maritime. Dans cette édition, le Pr. Alain Didier Olinga, chef de département de droit international à l’Institut des Relations internationales du Cameroun (IRIC) analyse les résultats d’un sommet qui aura un impact sur le développement des Etats du golfe de Guinée dans les années à venir. Pour cet universitaire, les experts doivent immédiatement se mettre au travail pour matérialiser sur le terrain à tout ce qui a été dit à Yaoundé.

« Le sommet de Yaoundé aura un impact sur nos perspectives de développement »

Pr. Alain Didier Olinga, chef de département de droit international à l’IRIC, apporte son éclairage.

Au cours du sommet des chefs d’Etat de la CEEAC, de la CEDEAO et de la CGG sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le golfe de Guinée, il y a eu l’adoption d’un certains nombre de documents dont la Déclaration de Yaoundé. Pouvez-vous nous expliquer les contours de cette Déclaration aussi bien pour les Etats que pour les populations riveraines de cet espace maritime ?

Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC, de la CEDEAO et de la CGG sur la sûreté et la sécurité maritimes dans le golfe de Guinée a été une initiative importante et salutaire parce que la question de la sûreté et de la sécurité au niveau de l’espace maritime du golfe de Guinée est une question sensible. Elle aura selon son mode de gestion, un impact sur nos perspectives de développement. Cela dit les assises de Yaoundé étaient conduites par plusieurs structures. Notamment trois organisations internationales : la CEEAC, la CEDEAO et la CGG avec l’appui des autres. Ce n’est pas facile de travailler à plusieurs. Il y a des contraintes objectives inhérentes à ce type de processus et la Déclaration de Yaoundé est le reflet de ces contraintes de l’action à plusieurs même lorsqu’on est d’accord sur un certain nombre d’objectifs. La Déclaration de Yaoundé, comme son nom l’indique, c’est d’abord une déclaration de principes qui devront être déclinés dans les années à venir en initiatives concrètes, en actions concrètes, en politiques concrètes. Donc en elle-même, elle ne peut être porteuse d’éléments de détails et donc porteuse de contraintes juridiques particulières. C’est un énoncé d’un ensemble de directives sur lesquelles, les Etats et les organisations concernées sont d’accord, puisqu’elle a été adoptée et signée par les chefs d’Etats, mais qui devra être clarifiée, détaillée. Ce n’est qu’alors qu’on pourra voir si les promesses qui sont contenues dans la Déclaration auront été tenues ou non. Et ce n’est qu’alors qu’ont pourra dire si les populations tirent effectivement bénéfice d’une manière ou d’une autre de ces assises. Mais en elle-même la Déclaration envoie un message d’espoir. Un message d’une volonté politique claire, ferme. Je pense que dans ce type de démarche, la clarté, la précision et l’engagement de la volonté politique sont des éléments importants. Voilà l’objet de la Déclaration de Yaoundé. En fait, il faut dire de manière générale que ce soit avec la Déclaration, que ce soit avec le Code de conduite que ce soit avec le Mémorandum d’entente signé par les trois organisations, on est d’abord dans la logique de définition des cadres dans lesquels on va maintenant élaborer des politiques précises, des initiatives précises, des actions concrètes. C’est un mouvement qui est lancé. Tous les éléments du mouvement lancé ne sont pas encore détaillés.

Ce qui signifie que ceux qui sont chargés du suivi du dossier devraient se mettre au travail pour que la sécurisation de l’espace maritime entre dans les faits…

Bien sûr. Après le sommet de Yaoundé tout commence. Le vrai travail commence. Le travail de concrétisation de ce qui a été dit. Et ce travail sera ambitieux. Il aura des aspects juridiques, logistiques, opérationnels, de recherche, de renseignement et de recherche de financements. Lorsque l’on voit les dispositions qui concernent le financement de ce qu’on veut faire, on se rend bien compte que l’on a posé un certain nombre de balises. Financement par les contributions des Etats, financement par les partenaires mais la formule du financement devra être affinée. Donc tout le travail commence par les experts gouvernementaux, la société civile, les organisations internationales, tout le monde est interpelé pour que cela devienne une réalité. Nous ne sommes pas encore au niveau des acquis. Ce qui est acquis, c’est la volonté politique, c’est la détermination à faire quelque chose, à envoyer un message clair aux fossoyeurs de la sûreté et de la sécurité dans le golfe de Guinée. Mais après avoir dit cela, il faut coordonner les efforts pour définir les modalités d’une coopération fructueuse, d’une mutualisation des efforts, d’une interopérabilité de ces efforts. Toutes choses qui sont annoncées dans les documents qui ont été adoptés à Yaoundé.

Dans ce cas qu’est-ce qu’on peut attendre de la communauté internationale sans forcement que les Etats africains ne perdent du terrain sur leur souveraineté ?

Ce sont les Etats africains du golfe de Guinée qui se sont réunis. L’initiative de cette réunion est partagée entre eux, la communauté internationale probablement. Mais ils l’ont fait librement, je dirais souverainement. Ils l’ont fait parce qu’ils ont compris qu’il était temps de le faire et que ne pas le faire maintenant pourrait être bien plus dangereux pour l’Afrique. La prise de conscience de la nécessité d’assurer cette sûreté et cette sécurité est une prise de conscience d’une sujétion régalienne à ces Etats, mais aussi d’une dimension qui est partagée, parce que le golfe de Guinée n’est pas segmenté. La mer coule du nord vers le sud du golfe de Guinée. Il vaut mieux s’asseoir. Les Etats ne perdront pas leur responsabilité par rapport à leur souveraineté territoriale dans la mesure où, les actes se produisent soit dans leurs eaux intérieures, soit dans leurs eaux territoriales et dans toute la mesure où ils pourront exercer leur droit de poursuite au-delà de ces espaces. Mais mettre ensemble les moyens de la lutte n’est pas une capitulation de la souveraineté. C’est peut-être une mutualisation des souverainetés. Une mise en commun des prérogatives souveraines, toutes choses qui feront que la souveraineté, au lieu d’être perdue et bridée, va en réalité se conforter. Parce que le vrai problème aujourd’hui, on parle de la mer, mais on peut parler également des territoires terrestres. Nos Etats ont un problème de maîtrise sécuritaire de leurs espaces. Ce qui se dit aujourd’hui concernant les espaces maritimes est aussi vrai concernant les espaces terrestres. Et pour aller au-delà de cette faiblesse dans la maîtrise des espaces territoriaux qui soulève un problème plus important de faiblesse même des capacités régulatrices de nos Etats, il faut mutualiser les petites capacités dont nous pouvons être porteurs aujourd’hui. Voilà l’enjeu pour ce qui est de la souveraineté.

Et la communauté internationale alors ?

Maintenant le rôle de la communauté internationale qui était déjà là, vous avez vu le nombre d’organisations internationales et de pays non africains qui ont participé à ce sommet, dans la mesure où les acteurs principalement concernés l’auront clairement défini, sera un rôle d’accompagnement, un rôle de soutien. Un rôle d’aiguillon, un rôle de financement. Il faut dire les choses clairement. Aides-toi et le ciel t’aidera. Les autres ne nous aideront que dans la mesure où nous aurons pris des mesures pour le faire. Et je termine s’agissant de la Communauté internationale pour dire que : l’espace maritime dont nous parlons est le nôtre pour ce qui concerne les eaux territoriales, les mers territoriales puisque le reste c’est la communauté internationale, c’est le patrimoine commun des pays, c’est l’ordre public international. Mais dans nos eaux maritimes, les acteurs internationaux agissent. On retrouve soit les Etats ou en tout cas les compagnies qui relèvent de ces Etats. L’exploitation des ressources de ces espaces, ce n’est pas nous qui la faisons prioritairement ou exclusivement. Je crois qu’il est juste que lorsqu’on tire bénéfice des ressources d’une zone comme le golfe de Guinée que l’on participe de manière conséquente à la sécurisation de ces espaces, sécurisation qui bénéficiera aux Etats de la zone et à leurs populations. Je pense que demander cela n’est pas une sorte de supplique mais une exigence de justice. Une contrepartie tout à fait naturelle c’est pour ça qu’en matière de financement, j’espère que l’on demandera clairement aux mastodontes économiques qui écument le golfe de Guinée de mettre la main à la poche pour combattre les pirates.

Mais les Etats riverains doivent prendre les devant en attendant l’apport des partenaires internationaux…

La prise de conscience est déjà là. La volonté politique existe. La Déclaration de Yaoundé est claire sur la mutualisation et l’interopérabilité des moyens entre les Etats membres des trois organisations qui portaient le sommet. C’est très important. Maintenant, il faut décliner de manière concrète, les éléments de cette mutualisation et de cette interopérabilité. Qu’est-ce que nous mutualisons ? On ne mutualise pas le vide. Il faut bien déterminer, soit Etat par Etat, soit organisation par organisation ou région par région ce que l’on peut mettre dans le paquet sécuritaire commun. Cela ne dédouane pas les Etats à titre individuels. Ils sont chargés chacun en ce qui le concerne de veiller à la sécurité. C’est une sujétion régalienne des autorités de chaque Etat et ça concerne tout le territoire, y compris le territoire maritime. Cette démarche n’est pas une mise entre parenthèses de cette responsabilité première. Au contraire, on ne va bâtir la démarche de mutualisation que sur l’accomplissement conséquent par chaque Etat de sa part de responsabilité quant à la sécurisation de son espace. Deuxième chose qui est clairement indiquée dans la Déclaration de Yaoundé, c’est la mise en place d’un mécanisme de financement sur les contributions. Il est même prévu les mécanismes nationaux de financement des politiques de lutte contre la piraterie, les vols à main armée. Ça veut dire qu’on va mutualiser les efforts, mais il faut déjà qu’au niveau de chaque Etat, les dispositions soient prises pour rentrer dans cette démarche de partage, de mutualisation, de coopération. Sinon on aura beau adopter des Déclarations, puis on ira faire la manche à l’international et les gens feront la sécurité qui les intéresse et non celle qui vous est utile à vous et à vos populations.

Est-ce que le Centre interrégional de coordination ne va pas jouer ce rôle ?

Les éléments concrets concernant ce Centre interrégional de coordination sera détaillé. Le principe de sa création a déjà été arrêté. C’est très important. A quoi peut servir un tel centre ?  Il peut avoir d’abord une mission de veille sécuritaire. Il s’agit de coordonner les initiatives de surveillance, d’alerte précoce, rapide sur les risques sécuritaires qui concernent la façade maritime du golfe de Guinée. C’est un travail très important. Il suppose un rassemblement de l’information, du renseignement. C’est très important. Parce que le renseignement est la base du travail sécuritaire et il faut une structure qui coordonne, qui rassemble et qui concentre l’information et le renseignement sécuritaire. Ce centre doit faire aussi faire un travail de discipline et de mise en perspective des efforts pour que les initiatives ne soient pas désordonnées, n’aillent pas dans tous les sens, pour qu’il n’y ait pas de déperdition de moyens, pour que tout le monde ne fasse pas la même chose, mais que l’on puisse mettre en synergie nos différentes possibilités, nos différents moyens, nos différents talents pour atteindre l’objectif commun qui est la sûreté et la sécurité. Ce centre sera un centre de recherche d’étude et de recherche sur les questions sécuritaires sur la façade maritime, peut-être même au-delà. Parce que la terre et la mère ne sont pas antinomiques. Ceux qui agissent en mer ne vivent pas en permanence en mer. Ils ne sont pas les gens de mer. Ils vont de la terre vers la mer et de la mer vers la terre. La recherche qui sera menée permettra donc aux Etats de mieux saisir la menace et de mieux l’attaquer. Et le centre pourra aider à toutes fins pour lesquelles les Etats le solliciteraient. C’est une structure hautement stratégique qui sera une structure d’intelligence stratégique. Et je pense que telle qu’elle va être formatée dans ses statuts, sa structuration répondra à l’ambition que les chefs d’Etat ont bien voulu définir pendant le sommet de Yaoundé. Je pense que c’est un acquis important parce que ce qui nous manque souvent en Afrique c’est une capacité stratégique. Nous avons besoin, avec tous les experts en géostratégie qui existent qu’un tel centre soit fonctionnel, et il fonctionnera avec l’apport des experts non Africains voire avec les partenaires au développement et les pays qui sont intéressés à la sûreté et à la sécurité dans le golfe de Guinée.


Pr. Alain Didier Olinga : « mettre ensemble les moyens de la lutte n’est pas une capitulation de la souveraineté. »

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