La suspension des négociations relatives à la désignation du nouveau Premier ministre tunisien montre que la coalition gouvernementale et les partis d’opposition n’ont pas encore réussi à accorder leurs violons sur la relance de la vie politique nationale.
En acceptant sous la pression de la société civile et de l’opposition, la démission du gouvernement dirigé par l’ un de ses membres et donc de renoncer temporairement au pouvoir conquis de haute lutte par les urnes , de nombreux observateurs ont cru que Ennhada, le parti islamiste majoritaire à l’Assemblée nationale constituante , était disposé à coopérer véritablement avec les autres acteurs politiques et sociaux pour trouver des solutions consensuelles à la crise politique qui perdure depuis environ deux ans et qui a été amplifiée par l’assassinat des opposants Chokri Belaïd en février et Mohamed Brahmi le 25 juillet dernier . L’ampleur de cette crise est telle que la société civile, conduite par l’Union générale tunisienne de travail (UGTT) ,a dû prendre le taureau par les cornes et imposer le consensus selon lequel le prochain gouvernement devrait être dirigé par une personnalité indépendante et formé par des technocrates pour se pencher notamment sur la procédure d’adoption de la nouvelle constitution et le calendrier électoral .
Ces enjeux sont certainement à l’origine du nouveau blocage sur la désignation du nouveau Premier ministre. Alors que Ennhada soutient bec et ongles son candidat, Ahmed Mestiri, 88 ans, un vétéran de la politique tunisienne, l’opposition le juge faible et trop vieux pour gouverner. En lieu et place du candidat d’Ennhada, l’opposition a donc proposé Mohamed Ennaceur, 79 ans. Mais aussi d’autres noms auxquels le parti islamiste a opposé une fin de non recevoir. Non seulement, Ennhada invalide les candidatures proposées par l’opposition, mais aussi et surtout ce parti tient absolument à faire approuver son choix par le camp d’en face. D’où la nouvelle impasse. Elle est d’autant plus étrange que le parti islamiste n’est pas du tout prêt à faire des concessions sur son choix et que l’opposition ne fait pas mystère de son option sur la désignation du nouveau chef du gouvernement. Ajoutant ainsi aux crises politique, économique et sociale, la crise de domination des intérêts partisans au détriment de l’intérêt national.