Jusqu’à un passé relativement récent, Toktoyo, Gbiti, Kette, Kentzou, Ouli étaient de paisibles localités peu connues du département de la Kadey, dans la région de l’Est. Elles ont acquis désormais une réputation surfaite à cause de sanglants incidents survenus ici et là du fait d’incursions fracassantes menées par des bandes armées incontrôlées venues de Centrafrique. Des hommes sans foi ni loi dont les exactions se sont traduites invariablement par la mort et le sang d’innocentes victimes. Populations civiles autant que membres des forces de l’ordre et de défense ont fait les frais de ces brigands.
La situation était d’autant plus préoccupante que les populations se laissaient gagner par la peur et une psychose compréhensibles. Avec promptitude et fermeté, les pouvoirs publics ont adopté un ensemble de mesures, notamment sur le plan sécuritaire en vue de restaurer la confiance, la paix et la sérénité au sein des populations. Le chef de l’Etat a ainsi créé de nouvelles unités opérationnelles et renforcé la capacité d’action de certaines autres. En termes d’effectifs et de moyens logistiques. L’objectif étant d’éviter, de prévenir une contagion, une transposition de la crise centrafricaine en terre camerounaise.
Grâce à cet important faisceau de mesures, le calme est désormais manifeste sur l’ensemble de la région de l’Est et ce n’est pas une vaine rhétorique. Fin de matinée ce samedi, 25 janvier à Batouri. Après deux heures de route au départ de Bertoua, le chef-lieu de la Kadey qui fait littéralement face à la RCA grouille d’activités. A la station-service non loin de l’évêché où nous voulons nous ravitailler en carburant, il nous faut quelques minutes de patience, d’autres usagers nous ayant précédé sur les lieux… Dans son bureau quelques encablures plus loin, le préfet Emmanuel Halpha, détendu, passe en revue la situation des sept arrondissements qui forment son territoire de commandement. Localités particulièrement concernées : Toti Ndiki, Gbiti, Kentzou, Bombete, Tamoua-Gueze, Bombé-Nacé, etc. Le calme, assure-t-il, est indéniable. Quelques arrêts sur le trajet-retour donnent à voir des populations tout entières à leurs occupations.
Quadrillage
Le scénario identique quarante-huit heures plus tard sur l’axe Bertoua-Garoua Boulaï. Ce qui frappe ici d’emblée, c’est l’intense trafic routier aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises, en direction de la partie septentrionale du pays. Petit Bello, Yaki, Doulai, Badan, Mbassi, Sarali, Kongolo, Tongo Gaudima et autres Sarali, Ndokayo défilent. Les contrôles routiers sont tout ce qu’il y a d’ordinaire. Sans déploiement spectaculaire. Sans fébrilité. Signe visible et palpable que la situation est sous contrôle. Y compris à Garoua-Boulaï où deux obus tirés à partir de la RCA sont tombés le 20 janvier dernier, dont l’un tout près de la sous-préfecture. Ce qui a suscité une certaine panique au sein de la population, en particulier au quartier Zokoundé où a atterri le second obus. Par la suite, un quadrillage approprié de la frontière par nos forces de défense a permis de ramener la situation sécuritaire entièrement sous contrôle.
Au sortir d’une réunion hebdomadaire ce 27 janvier 2014, le sous-préfet de Garoua Boulaï, Viang Mekala est juste préoccupé par l’afflux de nouveaux réfugiés autour de l’église catholique où le curé se dit débordé. A raison. Dans les quartiers Bethanie et Sabongari, promiscuité et détérioration des conditions d’hygiène font craindre une épidémie. En dépit d’une mobilisation remarquable des humanitaires, dont « Médecins sans frontières » (MSF) qui dispose d’une antenne sur place. Des sources crédibles indiquent que plus de 5000 enfants ont été vaccinés pour parer à toute éventualité.
Une ombre tout de même sur ce tableau : la ville est engorgée à la limite de l’envahissement par plusieurs dizaines de camions lourdement chargés de bière et marchandises les plus divers devant assurer le ravitaillement de Bangui. Les conducteurs de ces camions, majoritairement de confession musulmane, disent craindre pour leur sécurité. Surtout depuis que les anciens miliciens de la Séléka ont perdu le contrôle de la situation, suite à la démission forcée de Michel Djotodia. En dépit d’un engagement formel de la force africaine de maintien de la paix, la MISCA, d’« assurer l’escorte des camions à partir de Garoua-Boulaï jusqu’à Bangui en aller et retour ». Un premier convoi composé d’une centaine de véhicules a pu quitter Garoua-Boulaï le 25 janvier dernier et aurait progressé apparemment sans accroc. Sera-ce le déclic souhaité pour vaincre la méfiance des autres camionneurs ? Rien n’est moins sûr. Globalement cependant, l’embellie est perceptible et prometteuse. Ce qui a déjà amené nombre de « centros» à regagner leur patrie. En toute liberté. Non sans cracher parfois dans la soupe : «restez avec votre Cameroun ».