On savait que les membres du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) n’étaient pas des enfants de chœur, pour avoir commis d’innombrables exactions par le passé. Il est également clair que ce mouvement a toujours assumé sa vocation radicale et son intégrisme religieux au point d’être apparu lors de l’occupation du nord du Mali comme le groupe jihadiste qui a le plus terrorisé les populations. On était cependant loin d’imaginer que le Mujao puisse s’attaquer à un convoi humanitaire.
Ce pas a été franchi, le 8 février dernier, lorsque le Mujao s’est emparé d’un véhicule utilitaire du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr), effectuant le trajet entre Kidal à l’extrême-nord-est du pays et Gao au nord-est. Le véhicule avait à bord quatre membres de cette organisation humanitaire et un vétérinaire d’une organisation similaire. L’inquiétude résulte du fait que le Mujao affirme « avoir pris des ennemis de l’islam et leurs complices. » Cette nouvelle dérive traduit l’intégrisme religieux de ce groupe jihadiste, allié d’Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique), mais aussi confirme le retour du Mujao sur le terrain. Un responsable du gouvernorat de la région de Kidal a noté que des dizaines de combattants armés supposés être membres du Mujao ont fait irruption, récemment, dans la localité de Djébock, à une cinquantaine de kilomètres de Gao.
Le retour de ce mouvement armé est d’autant plus périlleux qu’il s’accompagne de nombreux abus et des règlements de compte entre troupes armées rivales. C’est ainsi que le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) a accusé, le 6 février dernier, le Mujao d’avoir massacré une trentaine de civils touaregs dans la localité de Tamkoutat au nord-est de Gao. Alors que l’équation touareg est loin d’être résolue, ce regain de tension replonge le septentrion dans l’instabilité tout en compliquant davantage la situation sécuritaire. Cette complication compromet la sortie de crise dans cette partie du pays au lieu de contribuer à son dénouement.