Quand vous lancez la BD sur facebook en 2011, imaginez-vous que l’œuvre va rencontrer un tel succès ?
Je n’ai pas créé cette BD pour être célèbre…je l’ai créée pour communiquer avec des gens au travers de gags d’Ebène Duta. Communiquer des valeurs de résilience, de force et tact face à l’adversité. Je voulais adresser le problème d’identité noire, avec ses différentes textures, creuser le moi, pour qu’à travers les gags puisse être effectuée une réflexion sur : « la beauté de toutes les peaux noires, sous toutes les formes ». Ebène Duta n’est pas moins noire parce qu’elle a la peau claire, et Claire sa cousine n’a pas besoin de se décaper parce qu’elle est foncée. Les deux sont uniques et magnifiques ainsi.
Qu'est-ce qui à votre avis intéresse le public chez Ebène Duta ?
De ce que je perçois des réactions, c’est son côté…humain… Ebène est malgré elle l’héroïne de sa propre vie, et ça parle aux gens parce que nous sommes tous des Ebène Duta. Nous n’avons pas demandé à naître, nous sommes nés, et devons décider chaque jour du cours que prendra notre existence. Nous cumulons des moments de béatitude, d’humiliation et de poisse plus ou moins aigües, ingrédients nécessaires pour immortaliser nos vies dans nos mémoires et celles des autres.
Pourquoi avoir choisi la BD comme moyen d'expression artistique ?
J’ai toujours été fascinée par la BD, depuis toute petite. Le dessin animé aussi. Je suis fascinée par le fait qu’on puisse communiquer des émotions, changer le monde avec de simples mots mis bout à bout, pour donner du sens aux choses. En plus, la BD est le parfait support de communication qui allie le texte et l’image. Le 9e art dans toute sa splendeur.
Quels courants esthétiques et narratifs de BD vous ont inspirée ?
J’ai plusieurs références. J’ai appris à être une éponge. De Aya de Yopougon à Pahé en passant par les dessinateurs italiens, les courants libanais, japonais, coréens, la BD underground de Robert Crumb, ou revenir sur la ligne claire de Blake et Mortimer… Je consomme beaucoup de choses, de styles. Mes coups de cœur vont à Barbara Canepa, Katsuhiro Otomo, Yslaire, Doha, des auteurs très différents aussi bien dans le style graphique que dans l’écriture.
En parlant de références, votre nom d’artiste, Elyon’s, vient-il justement de l’univers de la BD ou est-il lié à l’un des noms de Dieu, Elyon ?
Les 2 références sont exactes. Mon nom Elyon’s vient de l’Hébreu « Elyon » qui signifie « Le Très Haut ». Je suis chrétienne. Je voulais un nom « neutre », sans identification de sexe, mais je voulais aussi un nom qui rappelle mon origine spirituelle, tout comme ma vocation à créer des mondes, vies, destins à travers des personnages fictifs. J’étais aussi super fan des dessins de la série BD, W.I.T.C.H, avec Elyon Brown, l’un des personnages créés par Barbara Canepa et Alessandro Barbucci (ils ont cédé les personnages à Disney par la suite).
Pensez-vous qu’il existe une BD camerounaise ?
Il existe une BD Camerounaise ! Vous avez pu constater qu’en dehors du FESCARHY, un évènement graphique différent a vu le jour depuis quelques années : le MBOA BD Festival. J’ai assisté à une édition en 2012, mais n’ai pu y être l’année dernière. Il y a un nombre non négligeable d’auteurs de BD camerounaise dans les 10 régions du pays. Le souci c’est la visibilité. Il n’existe pas encore de véritable maison d’édition, ou de syndicat qui les référence. www.waandastoudio.com ou www.facebook.com/waandastoudio par exemple, est une plateforme internet qui donne de la visibilité aux auteurs BD africains, particulièrement camerounais. Une machine est en route, et elle a juste besoin de projecteurs. Je suis heureuse d’être une des pièces de cette machine.
