L'analyse de notre consultant, entraîneur de football, sur la défaite des Lions.

Après cette autre débâcle des Lions en coupe du monde, que doit-on se dire aujourd’hui ?

Nous devons nous regarder dans les yeux et se dire qu’il faut changer les idéaux. On doit travailler, construire afin d’espérer produire des résultats. Il faut revenir à la base et pourquoi ne pas adopter les méthodes anciennes. Qu’est-ce que je mets dans les méthodes anciennes ? La détection, l’encadrement, la formation et le suivi des talents. On doit revenir à l’époque où le sélectionneur était purement entraîneur. Cela veut dire que le sélectionneur peut détecter un joueur dans n’importe quelle zone reculée du Cameroun, l’encadrer autour d’un club afin de lui permettre d’atteindre la maturité dans le jeu. Avant, on le faisait. Maintenant, cela n’existe plus. Il y a un moment pour apprendre, un moment pour produire du jeu tel que cela aura été pensé à la base. Que l’on ne se focalise plus sur les footballeurs basés en Europe. On doit également travailler avec les jeunes d’ici, leur donner du temps de jeu afin d’avoir au sein de la tanière, une concurrence saine. Il faut vraiment un entraîneur qui sillonne le pays. Derrière les jeunes, on peut découvrir des merveilles.

Est-on rattrapé par 2010 ?

Je dirai un peu oui. Et pas seulement par 2010. Depuis 2006, c’est le même scénario. Ça fait beaucoup d’années et cela énerve. Nous nous reposons toujours sur des aspects extra-sportifs au point où certains oublient de faire leur travail. Chaque jour, nous parlons mais les gens ne donnent pas l’impression de comprendre ; ça ne va pas. Il faut réorganiser, repenser le football et parler football en sélection nationale. C’est décevant de voir que le parcours de certains joueurs qui sont entrés à moins de 20 ans dans cette sélection n’a pas produit grand-chose. Le parcours qui conduit à la sortie doit-il toujours être un recommencement ? On doit prendre des risques. Le Cameroun a mal à son football, l’organisation de cette discipline, la gestion de ses talents. Et tout cela jaillit en plein visage de plus en plus. Tant que les problèmes ne seront pas résolus, nous parviendrons pas à faire des résultats.

Que manque-t-il à ces joueurs ?

A certains, il manque du talent, à d’autres, de la confiance. Si on les laisse comme cela ils ne gagneront rien. Ils ont besoin d’encadrement professionnel. Il faut bien préparer cette génération de joueurs. Il faut jouer ensemble, trouver des formules pour leur permettre de travailler. C’est ce qui leur permettra de gagner en confiance. Bien plus, ils ne savent pas gérer la pression. Ils sont tout le temps débordés par la pression. Il y en a qui craquent et d’autres pas. Si on n’a pas de conseil, d’aînés, on ne peut vraiment pas se retrouver. Or, dans notre contexte, les dirigeants donnent l’impression aux jeunes qu’il ne peut pas avoir d’entente entre la jeune génération et les anciens. On essaie de les opposer tout le temps. Cela ne contribue pas à l’avancée de notre football. L’apport des anciens auprès des jeunes a été mal géré. Les jeunes Lions ont besoin d’un bon support psychologique. Ils doivent apprendre à gérer leur « starmania ». 

Avez-vous l’impression que ces joueurs attachent de l’importance aux valeurs olympiques et civiques entre autres ?

La génération actuelle ne s’attache pas beaucoup à ces valeurs. Cela se ressent beaucoup plus à travers les joueurs professionnels. Est-ce parce qu’ils ont de gros salaires ? Est-ce parce qu’ils jouent en Europe ? C’est tout de même dommage et révoltant. Les emblèmes nationaux, le respect de l’adversaire, du coéquipier, de l’aîné, sont des valeurs que nous prônions avant. Ils ne sont pas les seuls à avoir un type de problèmes mais ils doivent se montrer respectueux de la nation. On doit réapprendre, dès la base, ce que représente l’hymne national, le drapeau, les couleurs nationales entre autres. Cela doit se faire dans les centres de formation et en sélection.

Bertin Ebwelle : « Les joueurs doivent se montrer respectueux de la nation.»