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Dossier de la Rédaction

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Afrique-Etats-Unis: Une seconde chance

En 1993, un nouveau président, Bill Clinton, que beaucoup d’Américains comparaient à John Kennedy, tant il faisait rêver, prêtait serment. Est-ce seulement parce qu’il était démocrate, jeune et beau ?

Toujours est-il que la réplique sismique se manifesta à des milliers de kilomètres de là, en Afrique, au Cameroun en particulier :
une délégation du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) composée d’hommes d’affaires, d’élus politiques, d’experts en stratégie, et de journalistes, fut dépêchée à Washington pour vivre de près cet événement historique. Ce rêve qui pouvait rejaillir sur l’Afrique ! Conscient de ce qu’il devait aux électeurs Africains Américains qui l’avaient plébiscité au-delà de toutes les espérances, Bill Clinton conçut avec son administration le plus audacieux des programmes
de coopération avec l’Afrique : l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), que l’on pourrait traduire en français par la loi américaine sur les opportunités de croissance en Afrique. Les Etats-Unis ouvraient les vannes de leur énorme marché à des dizaines de produits africains, sans restrictions quantitatives ni douanières. Une quinzaine d’années plus tard, le bilan est mitigé. Ceux qui en ont usé intelligemment, peu nombreux, en ont tiré des profits colossaux. Les autres s’en mordent les
doigts : ils n’ont pas su s’adapter aux exigences du marché américain. Soit que les normes leur paraissaient trop sévères, soit que leur appareil de production fût inadapté, obsolète, ou même inexistant.
En 2009, un certain Barack Hussein Obama prêtait serment à son tour. Il venait de se voir confier les destinées des Etats-Unis d’Amérique par une majorité  d’électeurs, alors qu’il n’était qu’à moitié blanc, ou à moitié noir, selon les rives du monde d’où l’on observe la scène. Un vrai tsunami, à l’échelle planétaire, qui démontrait que l’Amérique savait transcender ses fêlures et se réinventer à une vitesse fulgurante. L’actuel locataire de la Maison Blanche vient lui aussi, une double décennie après Bill Clinton, d’engager une action éclatante et inédite en faveur de l’Afrique : convoquer le tout premier sommet Etats-Unis-Afrique.
Le président Paul Biya, toujours partant comme VRP de luxe pour son pays, a participé à cette grand’ messe de trois jours. Les sujets à l’ordre du jour relevaient eux-mêmes de l’ordre de l’inédit : un programme de mise en place d’infrastructures énergétiques global ; le renforcement du commerce avec les Etats-Unis, bien entendu, mais aussi entre pays africains ; les réformes nécessaires à l’attrait des investissements ; la sécurité alimentaire ; la protection des enfants, la lutte contre le Sida et les épidémies ; la paix et la sécurité, l’équipement et la formation des armées africaines, la coopération dans le renseignement. A la clé, 37 milliards de dollars américains de financement mis sur la table, pour impulser ce que Barack Obama espère être le décollage économique de l’Afrique.
Qu’y a-t-il de commun entre ces deux approches et initiatives ? Eh bien, la volonté du chef de l’exécutif américain d’imprimer sa marque à un pan de l’histoire des relations entre son pays et l’Afrique, pour des raisons diverses et variées, dont la plus importante est sans doute que ces avancées dans le partenariat Etats-Unis – Afrique, quelque innovantes qu’elles soient, correspondent d’abord à l’intérêt bien compris des Américains eux-mêmes. Certains commentateurs préfèrent lire dans
ce regain d’intérêt pour le continent noir le désir de Barack Obama de payer une dette morale envers le continent d’origine de son père. Un tel regard pourrait dénoter de la naïveté, mais il est évident qu’il relève davantage de l’intention de minorer la force du changement en oeuvre sous nos yeux, en le mettant sous la bannière des bons sentiments. Dont l’Amérique, très pragmatique et très prosaïque, n’est pas coutumière. Pourrait-on imaginer dans ce pays d’immigration, les présidents se livrer à des prodigalités financières envers leurs pays d’origine sur le dos des contribuables américains ?
Le constat que les Africains font dès lors, c’est que l’Amérique a toujours à coeur de « vendre » sa propre vision de la coopération « Trade, not Aid », avec l’ambition de prouver que c’est bien le commerce et les échanges, et non les aides, qui impulseront le développement de l’Afrique. Obama, en ciblant en plus du commerce, l’énergie, la sécurité, la consolidation de l’Etat de droit, conditions sine qua non de tout développement, en créant des programmes spécifiques, assortis des financements nécessaires, complète efficacement ce que Bill Clinton a initié dans un mouvement généreux, mais sans la vision globale. C’est pour cela qu’il
faut se féliciter que l’AGOA qui arrive à son terme en 2015, soit reconduite. Comme une seconde chance donnée aux pays qui n’en avaient pas profité.
Faut-il vraiment s’en étonner ? Les américanosceptiques ou les concurrents des Etats-Unis pointent déjà la « modicité » de l’enveloppe budgétaire, non pas dans l’absolu, mais en comparaison de celle des autres prétendants qui sont aux trousses de ce continent africain si convoité. Ils font remarquer que les 37 milliards de dollars n’équivalent par exemple, qu’à ce que le seul Brésil, pays émergent, consacre également à l’Afrique. Ont-ils raison ? Chacun peut se faire une idée sur la question. Mais ils oublient vite d’où l’on est parti – de presque rien. L’Afrique ne connaissait pas l’Amérique et l’Amérique, où ont été déportés de nombreux fils du continent, ne s’intéressait pas à l’Afrique. En outre, ils ignorent le fait que l’Amérique, quoique partie tard des starting blocks, peut faire en peu de temps des pas de géant dans la course. En effet, au même titre que l’Europe, les Etats-Unis entendent bien refaire leur retard sur l’investissement et les échanges avec l’Afrique, pour ne pas laisser la Chine et les pays émergents profiter seuls de ce gisement d’opportunités. Mais le plus grand défaut de ces analyses pessimistes, c’est de sous-estimer
la volonté politique des Africains eux-mêmes de nouer une relation forte avec les Etats-Unis, basée non pas seulement sur des concepts séduisants, moralisateurs, tels que la démocratie, les droits de l’homme,la bonne gouvernance, mais sur une coopération ciblée, des projets concrets, des échanges équitables, desquels l’Afrique entend tirer des ressources financières substantielles pour nourrir et soigner ses populations, et pour construire son propre modèle de développement. En d’autres termes, c’est la détermination des Africains eux-mêmes à saisir les chances de ce nouveau partenariat qui en scellera la réussite ou l’échec. Pour nous Camerounais, il nous faudra, comme le prescrit déjà le chef de l’Etat, intéresser définitivement le secteur privé à cette nouvelle approche, au double titre de consultant et d’acteur. Il faudra former les équipes-projets, l’administration et les élites dirigeantes à la culture commerciale américaine, qui abonde de normes et d’exigences diverses ; redynamiser l’industrie en créant des incitations à leur mise en place, en aidant à la modernisation de l’appareil de production. Pour ce faire, il convient de s’appuyer autant sur la recherche, que sur l’apport financier. Le plus difficile sera peut-être ici, de faire de l’administration non pas un boulet, mais un régulateur compétent, outillé, ouvert à la nouveauté, méthodique, rapide, vertueux. En un mot efficace.
Au fond, il s’agit d’admettre que pour réussir avec le plan Obama ce qui n’a pas été possible avec l’AGOA, nous devrions désirer plus fort que nos partenaires les fruits de cette nouvelle coopération. Et quand les Africains voudront très fort atteindre ce but, cette vie rêvée, cette prospérité fantasmée, il ne leur restera qu’une alternative : passer à l’action. Et pourquoi ne pas s’appuyer pour cela sur l’importante diaspora camerounaise aux Etats-Unis, bien intégrée et très appréciée des autorités américaines, pour nous imprégner des us et coutumes américains dans les échanges commerciaux ? Le président de la République avait en son temps revisité l’organigramme du ministère des Relations extérieures, en créant la direction des Camerounais de l’Etranger, des Etrangers au Cameroun, des Questions migratoires et des Réfugiés. Une manière de gérer plus efficacement les apports multiformes et les attentes de la diaspora. Pour fluidifier les relations bilatérales au plus haut niveau, Paul Biya a également multiplié les contacts de qualité lors de son séjour aux Etats-Unis avec l’administration américaine. Le terrain ainsi balisé, ce sont les décideurs à tous les échelons, les hauts fonctionnaires, les hommes d’affaires, qui écriront la suite de l’histoire. Et saisiront peut-être cette seconde chance.

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