Février 2015 c’est déjà demain. A cette échéance -là, les Nigérians seront appelés aux urnes pour choisir leur président de la République. Cet exercice est somme toute normal dans tous les pays. C’est l’expression de la participation des populations à la marche de leur pays, en choisissant celui qui pendant un laps de temps précis va les représenter et parler en leur nom. Mais voilà au Nigeria, les choses ne sont jamais simples. En effet, par le passé, les joutes politiques ont souvent suscité de vives tensions et même des violences. Le rendez-vous de février 2015 ne devrait pas déroger à la règle, tant le climat politique, social et sécuritaire du pays le plus peuplé d’Afrique est des plus précaires. Et c’est avec une inquiétude grandissante que les observateurs attendent le scrutin du début de l’année prochaine.
Toujours est-il qu’un peu plus de deux mois de la tenue du scrutin, l’on connait déjà les principaux protagonistes. Le président sortant, Goodluck Jonathan du Parti démocratique populaire (PDP) affrontera, l’ancien chef de l’Etat, Muhammadu Buhari en lice pour le compte du Congrès progressiste (APC). Si Goodluck Jonathan était le seul candidat de son camp, a contrario, Muhammadu Buhari a pris le dessus sur quatre autres candidats à la présidence lors de primaires internes de son parti. Le duel du 15 février opposera donc comme en 2011, Jonathan et Buhari. En 2011, avec 57 % des suffrages contre 37 %, le président sortant avait eu raison de son challenger. Mais quatre ans plus tard, il n’y a aucune garantie que le scenario se reproduise. La situation économique du pays n’est pas des plus reluisantes, les alliances politiques ont évolué et l’insécurité est chronique avec la secte Boko Haram qui fait régner la terreur.
C’est donc dans un climat tendu que devrait se dérouler le scrutin de février prochain. En briguant un second mandat en 2015, le président sortant est venu exacerber une vieille revendication des élites politiques du Nord. En effet d’après eux, son attitude rompt l'accord tacite d'alternance Nord-Sud. Pour mémoire, afin d'apaiser les conflits entre musulmans du Nord et chrétiens du Sud, jusqu'à l'élection de Goodluck Jonathan en 2011, une règle non écrite reposant sur une alternance entre le Nord et le Sud à la tête de l'État fédéral était en vigueur. Mais la machine s’est grippée avec la mort en 2010 du président Umaru Yar Adua, musulman du Nord, un an avant la fin de son premier mandat. Son vice-président, Goodluck Jonathan, a alors pris sa succession avant d'être élu en 2011. Pour les élites politiques du Nord, cette situation n’aurait jamais dû arriver. Elles estiment que Goodluck Jonathan doit passer la main à un des leurs. Et selon des nombreux observateurs, il y a une volonté des responsables politiques du nord de reprendre coûte que coûte la présidence d’où des risques de déstabilisation du pays.
Quoiqu’il en soit, les revendications des élites politiques du nord ne sont pas les seuls ingrédients « conflictogènes » dans la perspective du prochain scrutin présidentiel. Le président sortant fait également face à une crise sécuritaire grave. La secte Boko Haram a atteint un nouveau pic de violences. Et l’armée nigériane semble impuissante face aux terroristes. Par ailleurs, le gouvernement de Goodluck Jonathan est accusé de corruption par l’opposition. La future élection devrait accroître ces accusations. En tout état de cause, au-delà du débat sur l'alternance Nord-Sud, pourraient provoquer des frictions. Les violences consécutives aux élections de 2003, 2007 et 2011 sont encore dans les mémoires. Il y a quelques semaines, un rapport d’International Crisis Group s'inquiétait même déjà de la probable explosion de violences politiques à grande échelle dans le pays. Vivement que le bon sens prime en fin de compte.
