Le jeune public vit dans un tout autre monde, et les spectacles à lui dédiés ont des caractéristiques particulières, bien connues des spécialistes du domaine.
Dimanche après-midi dans un grand hôtel de Yaoundé.
L’écho de rires des enfants âgés entre 3 et 10 ans se fraye un chemin dans le couloir attenant à l’esplanade extérieure du bâtiment. Ces jeunes gens sont là pour « Abole », un spectacle de Bobbo et Mangetou du Théâtre du chocolat. Sur la scène, deux hommes déguisés. Des costumes étranges, pour des adultes - d’ailleurs on en aperçoit quelques-uns, impatients, qui pianotent leur téléphone – mais si intenses pour leur progéniture, aux yeux brillants de joie et d’émotion. Des enfants émerveillés, c’est la rançon de sketchs montés pour des événements comme le Festival des arts et du théâtre pour l’enfant africain (Fatea) ou le Festival africain du théâtre pour l’enfance et la jeunesse (Fatej). Portes ouvertes dans le cerveau des enfants. Que s’y passe-t-il exactement ? Qui a l’autorisation d’y entrer et seulement qui peut en trouver le chemin ? Des petites têtes, mais pas naïves. Le fou rire du jeune public implique des spécificités qui demandent d’avoir un don, de la vocation et avant tout l’amour des enfants. Il faut également bien connaître ceux dont l’univers ne se résume pas à grand-chose d’autre que le jeu.
Bienvenu Mbala, nom d’artiste Bengoula Show, est bien placé pour savoir que les babillages ne les amusent que jusqu’à un certain âge. Ce promoteur culturel, président du Fatea est diplômé en pédagogie de l’expression dramatique. Il travaille pour le plaisir de ce public si particulier depuis plus de 30 ans. Le théâtre pour enfants, une formalité, pourrait-on penser. Car se dit-on souvent, il est si facile de les enjouer. Préjugé, dit Bienvenu Mbala. Pour mieux comprendre pourquoi les gamins s’extasient devant de drôles de personnages aux mimiques rigolotes et apaisantes, il faut considérer bon nombre de paramètres. L’attirance, le jeu des acteurs, une mise en scène adaptée aux enfants, enfin les costumes et accessoires. Ce sont des éléments essentiels pour cet univers. « L’acteur se revêt de trois armes : le visage, la voix et le corps pour conquérir le cœur des petits. L’acteur doit s’imprégner du rôle, devient un enfant, car il faut qu’ils se reconnaissent en lui », explique Bienvenu Mbala.
Autre technique : des gestes pour passer le message. « A la maternelle, on n’a pas besoin de discours, mais de mouvement. Tout ce qui bouge devant eux les réveille. Sans animation, il n’y a pas de théâtre pour enfants », rappelle le spécialiste. Il ajoute : « Le sujet de la représentation est le principal secret du théâtre pour jeune public. » La comédie est exploitée à fond, car le but final du show, c’est que les petits spectateurs soient heureux. Attention, car l’absence d’esprit créatif provoque la redondance des thèmes. Qu’est-ce qui les fait courir ? « La nourriture, le jeu, les personnages de la famille comme grand-père, grand-mère, papa, maman, mais aussi la bagarre, l’amour », répond Bienvenu Mbala. Alors la prochaine fois que vous accompagnerez votre enfant à une pièce de théâtre et qu’il rit de quelque chose qui ne vous amuse pas forcément, c’est que les comédiens font bien leur job.
