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Dossier de la Rédaction

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Vivre en zone de conflit

La vie n’est plus le même à Fotokol, depuis l’attaque du 4 février. Les rues, jonchées des épaves de véhicules brûlés, sont désertes. Ou tenues par des soldats. Les habitants sont terrés dans leurs domiciles. Les rares enfants, rencontrés à tout hasard, ne sont plus joyeux. De petits groupes d’hommes âgés, affalés sur des nattes de fortune sous des « nimiers », seul arbre qui donne un peu de fraîcheur en cette saison sèche où la météo affiche 40° à l’ombre, devisent entre eux. Ils sont peu diserts quand approche un inconnu. Dix jours après l’attaque des assaillants de Boko Haram, précisément à la mi-février lors de notre passage, les stigmates du combat restent visibles dans cette ville du Logone et Chari. Au centre commercial, des boutiques, bureaux, bars et habitations sont brûlés et pillés. Les dégâts sont importants. Le bureau principal des Douanes, non loin du pont sur le fleuve El Beid, est réduit en cendres. La mosquée du quartier Galaw est saccagée. A l’intérieur de ce lieu sacré, des traces de balle sont visibles sur les murs, portes et fenêtres. « C’est le 10 février qu’on a nettoyé le sang de l’imam Mahomed Adam qu’on a égorgé dans sa mosquée », renchérit Mahamat Moussa, voisin à ladite mosquée. Notre source dit n’avoir eu la vie sauve ce jour-là que grâce à sa ruse. « Je faisais mes ablutions quand j’ai entendu des tirs. Je ne suis plus sorti et je me suis caché dans un coin de ma cour », relate-t-il.

« Le lourd bilan de cette attaque a semé la peur au sein de la population », reconnait le sous-préfet Hayatou Oumarou. Et surtout que d’autres attaques, certes moins meurtrières que celle du 4 février, ont été enregistrées. « A chaque fois, nos forces de défense, aidées par l’armée tchadienne dont un détachement est basé sur le pont El Beid, ont réussi à repousser ces assaillants », ajoute le sous-préfet. Qui avoue n’exprimer aucune crainte pour sa vie, en restant sur place. Même si certains ont fui la ville, Hayatou Oumarou est en poste. Il passe son temps à encourager ceux des fonctionnaires encore présents, à ne pas abandonner le service, à ne pas déserter Fotokol. « Je tiens toujours les réunions de sécurité, avec mon état-major. Le service de santé est fonctionnel à Fotokol et dans les centres de santé des villages qui en sont dotés. L’inspecteur d’arrondissement est sur place, même si les écoles sont provisoirement fermées », explique le chef de terre. Le service public fonctionne. La population locale n’a pas bougé. « On va partir où, avec nos enfants, sans moyen ? », s’interroge Bichara Moussa, 3e adjoint au maire. Ceux qui sont restés s’organisent comme ils peuvent. Le marché des vivres du quartier Abaganama, ouvert tous les jours, offre aux ménagères les légumes, le gombo, la viande de bœuf, en matinée. Et les rares boutiques qui ont résisté à la barbarie offrent des produits de première nécessité : riz, tomate, savons, allumettes, sel, rasoirs. « La clientèle est là, mais le ravitaillement en stock est difficile », s’inquiète le boutiquier, Ali B.

De nombreux déplacés…

Pendant ce temps à Kolofata, chef-lieu de l’arrondissement éponyme, les fonctionnaires ont fait défection. Certains ont quitté la ville. En effet, cette cité a fait l’objet de plusieurs attaques dont la plus sanglante est celle du 12 janvier 2015. L’on garde aussi en mémoire la spectaculaire prise en otage de 17 personnes dans cette ville, parmi lesquelles l’épouse du Vice-premier ministre et le lamido-maire de Kolofata, le 27 juillet 2014. Elles ont été libérées. Mais, les enlèvements sont courants. Dès lors, le sous-préfet travaille à partir de Mora, chef-lieu du Mayo-Sava et dispose d’un service de relais au quotidien. « Il vient de temps en temps pour gérer les affaires courantes », renseigne notre source. Dans les rues de cette ville, seuls les enfants, femmes et adultes sont visibles. Les jeunes manquent à l’appel. Le lycée a fermé ses portes. Les infirmiers continuent à soigner les malades. « La présence militaire rassure les populations autochtones à rester sur place », relève Chetima Seini Yérima, représentant du lamido de Kolofata. Après sa libération, le lamido-maire a pris un repos médical et garde un œil sur les affaires de la municipalité. Les agriculteurs rencontrés dans leurs champs pendant la récolte de sorgho disent qu’ils travaillent la peur dans le ventre, en matinée. « En soirée, on veille par quartier, pour aider nos forces de défense », indique Chetima Seini Yérima. Mais, on ne peut pas dire la même chose de la vie à Kérawa, Amchidé, deux autres villages de Kolofata, totalement désertés depuis des jours. « Il y a de nombreux déplacés à Mora. Leur prise en charge préoccupe le préfet », confie une autorité. Des sources rapportent que ces villages désertés sont sous le contrôle de notre armée, même si les assaillants nourrissent des velléités de les récupérer pour en faire des repaires de leurs basses manœuvres.

A Mokolo, chef-lieu du département du Mayo-Tsanaga, les populations locales sont habituées à voir déferler au quotidien des milliers de personnes en provenance du Nigéria, certains à pied et dans l’indigence, la plupart dans des véhicules affrétés par le Hcr. Tout ce beau monde est hébergé au camp de Minawao où l’on dénombre plus de 32 000 réfugiés nigérians. Dans les villages frontaliers de ce vaste département, fortement peuplé, les comités de vigilance sont aussi activés. « On veille toutes les nuits. On utilise les lances, les torches, les sifflets… On constitue un soutien à l’armée », explique Isseini Agonasip. Et dans certains villages, l’on semble connaître le mode opératoire de Boko Haram et l’on ne se laisse plus prendre au dépourvu. « Les déplacés rentrent toujours une que leurs villages sont sécurisés », révèle, Midjiyawa Bakari, gouverneur de l’Extrême-Nord. Et le patron de cette région a pris des mesures restreignant les mouvements des personnes à certaines heures. « Elles sont applicables aussi bien à Maroua qu’au reste des villes de la région », précise-t-il. Si les attaques, prises d’otage, embuscades sont concentrées sur les départements frontaliers avec le Nigéria (Mayo-Sava, Mayo-Tsanga, Logone et Chari), sur la longue frontière de 400 km, cette hydre secoue toute la région de l’Extrême-Nord, voire toute la République.

 

 

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