Maroua ! Ville aux multiples visages. Cachée dans une verdure de margousiers dont les frondaisons tutoient les « sarés ». Majestueuse et vivante dans la steppe sahélienne, comme une oasis du voisin Sahara.
Epicentre d’une zone touristique éparpillée entre les monts Mandara, la vallée du Logone et les berges du Lac Tchad. Avec son parc de Waza, paradis animalier, ses pittoresques paysages dominés par les « kapsikis » et les cultures en escaliers à flanc de montagnes. Cité de l’art où la peau de bœuf échappe à la casserole et trouve, sous les ciseaux et les aiguilles des artisans, une nouvelle vie dans des sandales, des tambours, des sacs, des poufs et autre objets utilitaires.
Maroua, capitale de la sinistrose ? A cause de la barbarie de Boko Haram qui tue, brûle, pille, soumet à toutes sortes d’esclavages, condamnant rescapés et nombreuses populations pacifiques et laborieuses à l’exode ? Ce Maroua, les Camerounais n’en veulent pas ! Ils entendent le conjurer à jamais. C’est un éloquent message qui se dégage du lancement, avant-hier, dans cette ville, chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, des activités civiles marquant la fête du 20 mai, célébration de l’Unité du Cameroun. Ce fut aussi le témoignage des nombreuses populations qui ont honoré ce rendez-vous, exprimé en ces mots par l’édile de la cité, Robert Bakari, délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Maroua : « Dans ce moment triste, nous avons été réconfortés par l’ensemble de la nation. Nous ne sommes pas seuls ». En effet, le président Paul Biya a délégué, pour présider ce moment solennel, des élites de la République, sous la conduite d’Amadou Ali, vice-Premier ministre, ministre délégué à la présidence de la République, chargé des relations avec les Assemblées. En somme, pour avoir été éprouvé dans sa chair et son cœur par le groupe terroriste, le représentant personnel du chef de l’Etat à cette cérémonie, était sans doute, la personnalité la plus audible et crédible, celle qui, mieux que quiconque, sait de quoi elle parle, pour adresser en cette circonstance, les condoléances, la compassion et la solidarité de la nation aux familles éplorées.
En cette célébration de l’Unité, manifestation de la volonté de vivre-ensemble, quasi unanimement exprimée lors du référendum du 20 mai 1972, le représentant du chef de l’Etat a résumé le sentiment de l’ensemble des Camerounais des neuf autres régions, comme hier pour Bakassi : « l’engagement à préserver l’intégrité territoriale du Cameroun ». Cette détermination, qui ne se limite pas aux mots, s’est traduite par la chaîne de solidarité tissée à travers le pays et qui continue à se traduire en dons en nature ou en espèces sonnantes et trébuchantes. C’est dire que, la nation camerounaise, pour emprunter une image de l’apôtre Paul, est comme un seul corps qui se sent agressé, dans son intégrité, dès lors qu’un membre est touché.
Le choix de Maroua, si proche du front, pour abriter ce lancement des festivités de la fête de l’Unité, ce sont aussi des honneurs civils rendus à des militaires. A ces forces de défense et de sécurité qui se sont dressées en un infranchissable rempart, face à un ennemi qui se targuait d’une réputation d’invincibilité jusqu’à ce qu’il se casse les dents sur l’os camerounais. Et l’Histoire du Cameroun de ce début du troisième millénaire s’écrira avec les batailles d’Achighachia, Amchidé, Fotokol, Karewa, Kolofata, Limani, Waza, Zelevet… Comme des faits d’armes où la bravoure et le patriotisme des soldats camerounais se sont inscrits en lettres d’or et de sang. De victoire en victoire, contre ces illuminés qui rêvaient d’un chimérique « califat » extensible à la région de l’Extrême-Nord, les forces de défense camerounaises ont fait très forte impression en se positionnant en une forteresse, mieux en un camp de vainqueurs que sont venues conforter les autres armées de la coalition Nigeria, Tchad, Niger et Bénin.
