Le report des élections législatives et municipales n’est pas surprenant. La situation politique du pays a été si tendue , ces dernières semaines, que ce report a été sollicité par l’opposition et la société civile, mais également recommandée par les dirigeants de l’Afrique de l’Est qui se sont récemment réunis à Dar-es-Salaam en Tanzanie .
Depuis plus de deux mois, le quotidien des Burundais est marqué par des manifestations et des marches contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza à la tête de l’Etat ainsi que des affrontements avec des forces de l’ordre. Outre la tentative de coup d’Etat du général Godefroid Niyombaré contre le chef de l’Etat, d’importants dégâts matériels et l’exode des centaines de Burundais vers les pays voisins, ces incidents se sont soldés par une dizaine de morts parmi lesquels celui de l’opposant Zedi Feruzi , leader d’un modeste parti politique, ainsi que son garde du corps froidement abattus par des individus non-identifiés qui se sont évanouis dans la nature. De même que l’assassinat de trois manifestants en plein centre de la capitale Bujumbura à la suite de l’explosion d’une grenade.
Certes, de nombreux Burundais gardent intacte leur hostilité vis-à-vis d’un troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Certes aussi, la population continue de répondre au mot d’ordre de l’opposition et de la société civile. Il reste cependant que la forte mobilisation perceptible dans les rues de Bujumbura, il y a quelques semaines, faiblit. Pour autant, rien ne dit que l’opposition et la société civile ne sont pas à la recherche d’une nouvelle stratégie.
Le report des élections législatives et municipales, initialement prévues ce 5 juin, se justifie donc amplement parce qu’il permet au gouvernement burundais d’appliquer les recommandations du sommet de Dar-es-Salaam . Il s’agit également pour la Commission électorale nationale indépendante (CENI) d’élaborer un nouveau calendrier électoral, de concert avec l’ensemble des partis politiques et le concours de la société civile. L’occasion serait certainement indiquée pour reprendre le dialogue gouvernement-opposition suspendu à la suite de l’assassinat de l’opposant Zedi Feruzi, par des hommes armés, devant son domicile au quartier Ngagara à Bujumbura. Ce dialogue est bien encadré puisqu’il est placé sous l’égide de l’envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies(ONU), Saïd Djinnit. L’importance de ce dialogue est capitale dans ce pays qui a déjà connu la guerre civile et qui s’en est sorti grâce à la mise en œuvre des accords de paix d’Arusha en 2000.