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Dossier de la Rédaction

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« La déclassification des archives va ouvrir une ère nouvelle »

Pr Daniel Abwa, historien, vice-recteur chargé des enseignements, université de Yaoundé I.


Le président français, François Hollande, s’est dit disposé à déclassifier les archives relatives à la guerre pour l’indépendance du Cameroun. Quel est l’intérêt d’une telle démarche pour l’histoire du Cameroun ?

Il faut savoir que les archives sont des lieux de mémoire, c’est-à-dire des lieux de conservation de la mémoire collective. Et il y a dans ces lieux de conservation de la mémoire, différents types de documents. Il y a des documents usuels que l’on peut consulter à tout moment : les journaux ordinaires et les journaux officiels, dont la consultation n’est pas soumise à une autorisation préalable. Puis, il y a des documents généraux qui sont mis à la disposition du public après une période de 25 ans, ou une période de 100 ans pour les documents personnels. Mais, il y a une catégorie de documents que l’on ne met pas à la disposition du public. Il s’agit des documents estampillés top secret ou confidentiel, et qui doivent faire l’objet de déclassification. Cela signifie que ces documents que l’on ne pouvait consulter qu’en cas de dérogation, peuvent aujourd’hui, si la déclassification se fait effectivement, être mis à la disposition de tout chercheur qui voudrait en savoir davantage.

Donc, les documents relatifs à la période dite de rébellion ou du maquis, bref, du nationalisme camerounais, pourront être enfin consultés. Peut-on avoir une idée de leur volume ?

Il y en a beaucoup que le Cameroun n’a pas. Pendant la présence française ici, du temps de la guerre pour l’indépendance, l’administration sous son autorité a pris plusieurs documents appartenant à l’Union des populations du Cameroun (UPC). Ce parti avait sa manière d’écrire l’histoire politique du Cameroun, telle qu’il l’a voyait. Et nous ne pouvons retrouver ces documents que dans les archives qui ont été emportées et classifiées par les Français. S’ils sont déclassifiés, nous avons la possibilité de connaître l’histoire du Cameroun pendant cette période, telle qu’elle était vécue par les upécistes à l’époque. En ce qui me concerne, par exemple, j’ai obtenu l’autorisation de consulter certains messages dans la région bamiléké. Il s’agit des messages que ceux qu’on appelait « maquisards » élaboraient pour empêcher les Camerounais de collaborer avec les autorités françaises. Nous aurons donc là une aubaine, si la déclassification se fait. En fait, ce sont les Français seuls qui savent ce qu’il y a dans les archives concernées. Et ce sont eux seuls qui peuvent dire s’ils vont tout déclassifier, car personne n’ira le vérifier, ne sachant pas ce qu’il y a dans ces sources-là.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les historiens qui veulent écrire sur cette période trouble ?

Il faut savoir que nous sommes un peuple de l’oralité et nous utilisons beaucoup la tradition orale lors de la rédaction de nos travaux. Car, les archives dans notre pays ne sont pas bien tenues. Nous ne savons même pas si les dépôts qui doivent être effectués tous les 25 ans aux archives sont faits. Parce que chaque ministère doit effectuer des dépôts aux archives pour que 25 ans après, on mette ces documents à la disposition des chercheurs, pour écrire l’histoire telle que vécue par les acteurs. Car l’histoire s’écrit à partir des témoignages laissés par les acteurs, et il se trouve que leurs témoignages se trouvent dans les lieux de mémoire que sont les archives. Et si les dépôts ne sont pas effectués aux archives, l’histoire devient difficile à écrire. Pour ce qui est de la période coloniale, nous avons eu un avantage que les autres pays n’ont pas connu. Le Cameroun ayant été un territoire sous mandat, un Commissariat de la République, la plupart des documents était en double. Il y avait une partie qui restait ici et une autre qui partait en France. Si bien qu’on a pu écrire l’histoire du Cameroun à partir des archives locales. Ce qui n’était pas possible pour certains pays africains, dont les archives se trouvent exclusivement en Europe. Donc, nous devons aller en Europe pour compléter notre documentation parce que ces archives abritent l’essentiel de ce qui a été fait pendant la période coloniale au Cameroun. Nous devons aller en France, en particulier à Aix-en-Provence, où se trouvent les archives coloniales, qui constituent l’essentiel des documents que les Français rédigeaient et qui doivent nous servir de boussole pour écrire l’histoire de cette période-là.

C’est donc dire que la perspective de la déclassification va ouvrir une nouvelle ère dans la connaissance de l’histoire politique du Cameroun…

Absolument. La déclassification des archives va ouvrir une ère nouvelle dans la recherche historique au Cameroun. Mais, il faudrait aller au-delà de la déclassification. Il faudrait, par exemple, que des accords soient signés pour que les documents qui sont là-bas soient microfilmés, miniaturisés et envoyés dans les archives au Cameroun, afin qu’on ait plus nécessairement besoin de se déplacer pour aller consulter la documentation qui nous concerne. Donc, si la déclassification s’opère, ce sera un moment fort. Les documents de Foccart ont été déclassifiés et tout le monde peut les consulter aujourd’hui et c’est une bonne chose pour la connaissance de la réalité historique, telle qu’elle a été vécue par les acteurs de l’époque.


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