L’ouverture du procès de Hissène Habré à Dakar, au Sénégal, est inédite dans les annales des tribunaux africains. C’est le premier procès d’un ancien chef d’Etat devant une cour continentale, au nom de la compétence universelle de la justice.
De nombreux observateurs attendent que le déroulement de ce long procès relève de nombreux défis. Il s’agit notamment de montrer que l’impunité, qui constitue la principale cause de violation des droits de l’Homme en Afrique, peut être combattue légalement et fermement au Tchad et dans les autres pays africains. Y compris l’impunité des dirigeants africains même après la fin de leur mandat. L’Association tchadienne des droits de l’Homme et sa présidente, Me Jacqueline Moudeina , y tiennent beaucoup . Il est surtout question de gagner le test de la crédibilité de la justice africaine en montrant que cette justice peut être rendue dans l’impartialité. Les juges ayant effectué les quatre commissions rogatoires au Tchad, l’exploitation des archives de la police politique de Hissène Habré ainsi que les auditions des 2500 témoins et victimes devraient, en principe, avec le recul nécessaire par rapport aux faits , contribuer à la manifestation de la vérité pour les victimes, leurs familles, le Tchad, la postérité, voire l’Afrique et le monde entier. Et donc aider le tribunal de Dakar à remporter le pari de la crédibilité. Même si l’un des défenseurs du mis en cause dénonce « un procès joué d’avance après une instruction à charge ».
En décidant de ne pas s’opposer au début du procès Hissène Habré, le président sénégalais, Macky Sall, a montré qu’il était favorable à l’application de l’accord conclu entre son pays et l’Union africaine sur la mise en place des chambres africaines extraordinaires inaugurées en février 2013. De même qu’il respectait un engagement pris auprès de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Le test de crédibilité auquel est soumis le tribunal de Dakar est d’autant plus crucial que les Africains, ayant l’impression que la justice internationale est à tête chercheuse, sont actuellement inscrits dans la logique d’une justice panafricaine. Ceux-ci savent pertinemment que le pari de la crédibilité de la justice ne se gagne que grâce à l’impartialité.