Les nouvelles sont plutôt bonnes pour le cacao. La campagne 2015 – 2016 a été lancée vendredi à Ayos, par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atagana, sur fond de nouveaux records. Record de production : 232 530 tonnes, l’année dernière.
Soit une augmentation de 20 0000 t par rapport à la campagne précédente. Record du prix d’achat au producteur, plafonné à 1515 le kg dans les régions du Centre et du Littoral. De mémoire de cacaoculteur camerounais, la fève brune ne s’est autant bien vendue dans le passé.
Il faudrait cependant observer un enthousiasme mesuré sur la tendance à la hausse de la production. Pour deux raisons au moins. La première est que la production évolue en dents de scie. Les années de forte production alternent avec des années de baisse, en raison du repos végétatif des plants, selon les experts. Cette alternance est immuable lorsqu’on observe la production des six dernières années. On part en effet de 205 233 t lors de la campagne 2008 – 2009 pour rentrer sous la barre des deux cent mille tonnes, l’année suivante (190 871 t). De 218 702 t en 2010 – 2011, on retombe à 207 698 t l’année d’après. La production grimpe à 228 911 t en 2012 – 2013 pour chuter à 209 905 t en 2013 – 2014. Il reste à souhaiter que les chiffres de la campagne en cours soient en augmentation par rapport à ceux de la campagne écoulée.
La seconde raison, susceptible de doucher des excès d’optimisme, relève des objectifs que le gouvernement s’est fixés. A savoir, une production de 600 000 t à l’horizon 2020. Si l’évolution actuelle ne prend pas une courbe asymptotique, il sera quasi désespéré d’arriver à cette révolution.
Sur le papier cependant, et selon les projections du ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), il sera possible de doubler la production l’année prochaine. En arrivant à récupérer 50 % de la récolte que les producteurs perdent, chaque année, du fait de l’un des plus terribles fléaux qui s’attaque au cacao, la pourriture brune. Sans cette perte et selon un calcul simple du Minader, la production nationale eût été de l’ordre de 560 000 t, au cours de la campagne écoulée et l’on ne serait plus loin du compte. Reste à trouver la bonne stratégie pour y arriver. La pourriture brune sévit à cause de la précarité des producteurs lesquels, en période de soudure, doivent, pour la combattre, acquérir des fongicides dont les prix ne cessent de grimper. L’époque des années 70 – 80, au cours de laquelle le gouvernement distribuait gratuitement ces intrants agricoles étant révolue, les pouvoirs publics ont recommencé à apporter des appuis via notamment, le Projet d’appui à la lutte antifongique dans les filières cacao/café (Palaf2C). Après avoir tenté en vain une pérennisation des approvisionnements, à travers des subventions accordées à des organisations paysannes, le Minader descend cette année sur le terrain pour traiter le verger lui-même. Rendez-vous en fin de saison pour évaluer l’impact de cette nouvelle stratégie.
Au demeurant, l’objectif 600 000 tonnes à l’horizon 2020 pourrait être atteint si les appuis de l’Etat se révélaient conséquents à trois niveaux de la chaîne de production du cacao : la création de nouveaux vergers, la lutte contre les maladies et la commercialisation. Celle-ci est gangrénée par le phénomène du coxage. Lequel altère la qualité du produit et annihile les efforts des producteurs. La construction de centre de groupage et l’autonomisation des organisations paysannes pour la collecte des fèves seraient de nature à réduire le coxage à sa plus simple expression. Contre les maladies, les capsides et la pourriture brune notamment, les besoins demeurent énormes, malgré l’intervention de l’Etat. S’agissant de la création de nouvelles exploitations, le Cameroun demeure l’un des grands producteurs de cacao disposant encore de réserves forestières exploitables dans les normes d’un développement durable. Il n’y a donc pas lieu d’hésiter. Il faudrait plutôt foncer : la demande mondiale augmente et la plupart des grands pays producteurs, au contraire du Cameroun, ont atteint leur point de saturation. Le cacao est l’or brun de demain.