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«Avec une seule monnaie, les échanges inter-africains vont se multiplier»

Lucas Abaga Nchama, gouverneur de la BEAC et président de l’Association des Banques centrales africaines (ABCA) revient sur les décisions prises à l’issue des 38es réunions annuelles de l’ABCA et fait le point avec la presse sur l’état d’avancement du projet de création de la Banque centrale africaine.


Monsieur le gouverneur, vous venez d’être élu président de l’Association des Banques centrales africaines. Quelle sera votre feuille de route ?

La feuille de route d’un président c’est de poursuivre les actions retenues par le Conseil des gouverneurs, œuvrer pour la constitution des groupes sous-régionaux, pour les pays à l’intérieur de ces groupes qui devraient se conformer aux exigences requises par l’approche que nous avons adoptée. Pour aller vers une Banque centrale africaine, il faut d’abord que les économies africaines convergent et qu’on définisse les critères de convergence à l’intérieur de chaque groupe. Pour la Cemac, nous sommes déjà un peu avancés. Mais les autres pays qui ne sont pas habitués à vivre en groupe, devront effectivement l’apprendre et être disciplinés. C’est la condition sine qua non pour avoir cette banque dans les meilleurs délais. C’est la première chose. La deuxième, c’est de veiller à ce que les recommandations fortes des gouverneurs soient rappelées aux Etats. Nos économies doivent être diversifiées pour élargir les sources de croissance afin d’avoir des croissances plus durables, plus soutenues et beaucoup plus inclusives. Par rapport aux décisions que nous avons prises aujourd’hui (Ndlr : vendredi 14 août 2015), le gouverneur de la BEAC présidera également la Conférence des superviseurs.

Quelle est la priorité du moment ?

L’objectif aujourd’hui, c’est la stabilité monétaire au sens large, dans une optique macro-prudentielle. A la vue d’une activité transfrontalière des banques surtout les  grands groupes, il était judicieux que les banquiers centraux coordonnent leur gestion afin de mieux encadrer l’activité de ces banques au niveau continental. Nous avons aussi décidé, et cela fait partie de ma feuille de route, de veiller à ce qu’à l’intérieur des groupements sous-régionaux, qu’on opère une interconnexion des systèmes de paiement. Et à partir de là, nous irons vers l’interconnexion à l’échelle continentale. Bien évidemment, les débats se poursuivent. Je dois continuer à organiser les symposiums et veiller à ce que les pays respectent les conditions requises pour aller vers la Banque centrale africaine, veiller à ce que nous ayons des informations pour prévenir les risques systémiques au niveau des banques. Et veiller à ce que naturellement, les pays puissent au niveau des groupements, implémenter l’interconnexion des systèmes de paiement.

Les 38emes réunions annuelles de l’Association des banques centrales africaines ont été marquées cette année par le symposium sur l’indépendance des banques centrales. Que faut-il retenir au terme des échanges ?

Les débats étaient très riches et très longs avec d’éminentes personnalités, anciens gouverneurs et gouverneurs en place actuellement. En vérité, les banques centrales sont indépendantes, puisque les textes consacrent souvent cette indépendance. Mais, c’est dans le fonctionnement que cette indépendance rencontre des difficultés. Notamment en période de crise où un Etat peut être amené à exiger un certain nombre de choses que la banque centrale ne doit pas faire dans les textes. Mais, il ressort de cela que les banques centrales sont indépendantes aussi bien dans un pays donné que dans le cadre d’une union monétaire comme la Cemac. Mais, que chaque acteur, la banque ou le gouvernement, doit assumer ses responsabilités. Soit en temps normal, soit en temps de crise, c'est-à-dire face à des chocs exogènes qui pourraient surgir. C’est ce qui se passe avec nous aujourd’hui, avec Boko Haram et la chute des cours des matières premières notamment le pétrole. La banque centrale et les Etats doivent assumer. Il ne s’agit pas qu’un Etat demande à changer les textes parce qu’il a des problèmes. Il faut qu’ensemble, nous puissions trouver les solutions idoines sans porter préjudice aux missions statutaires de notre banque centrale car c’est le gage de notre monnaie, le Franc CFA d’Afrique centrale. Les banques centrales sont indépendantes, mais il faut qu’elles soient responsables et que les gouvernements prennent les mesures adéquates pour rendre cette indépendance pérenne. Mais la perspective, c’est la création d’une banque centrale africaine. Ce débat nous permet de mieux anticiper quel type de banque et de monnaie nous voulons pour l’Afrique. L’expérience de la BEAC et de la BCEAO serviront certainement d’exemple. Le projet est en cours.

Deux des Etats qui constituent la BEAC à savoir le Cameroun et le Tchad sont en conflit. Avez-vous été sollicité pour intervenir ? Si oui à quelle hauteur ?

Intervenir, oui. Effectivement, ce sont les deux pays de la ligne de front. La Cemac est en guerre contre Boko Haram puisqu’il s’agit d’une sous-région. Oui j’ai été sollicité. Vous savez que les bénéfices de la banque qu’on devait distribuer ont été affectés aux deux Etats de la ligne de front. Le gouverneur a été sollicité et nous avons répondu positivement. Et puis, la banque, pour faire face à la double crise qui porte préjudice à l’activité économique dans la sous-région a pris un certain nombre de décisions en matière de politique monétaire. D’abord, ayant constaté qu’il y avait une baisse d’activité par rapport aux prévisions initiales et une atténuation des pressions inflationnistes, le Comité de politique monétaire que je préside a baissé le taux d’intérêt directeur pour relancer la machine et donner un signal fort. En même temps, nous avons pris d’autres mesures, notamment le gel de l’abandon des avances statutaires provisoirement. Provisoirement parce que la stratégie de la banque aujourd’hui est de faire en sorte que les Etats se financent sur le marché des titres publics que nous avons déjà créés. Et je crois que le Cameroun et les autres pays sont en train de lever des fonds sur ce marché. Est-ce que j’ai été sollicité pour autre chose ? Non (Rires). Les Etats manifestent leur solidarité à l’égard des deux pays de la ligne de front parce qu’ils contribuent pour atteindre la coquette somme de 50 milliards qu’on avait décidée lors de la Conférence de la CEEAC sur la sécurité tenue à Yaoundé.

A quand la Banque centrale et la monnaie unique africaine lorsqu’on sait que les frontières sont encore fermées entre les pays africains ?

Nous sommes en train de travailler. On peut fixer un horizon. Peut-être 2030. Nous avons préféré adopter une approche graduelle. Constituer d’abord des sous-régions. Il y en a six. Pour rester conforme à la théorie économique, notamment celle des zones monétaires optimales où il faut d’abord un minimum de convergence macroéconomique au niveau de l’économie réelle avant de passer au monétaire. C’est pour cela que nous avons préféré constituer ces groupements sous-régionaux.

Quelles sont les avantages ?

Lorsqu’on a la même monnaie, les échanges se passent sans problèmes. Avec les billets que vous avez au Gabon, vous pouvez aller au Cameroun, en Guinée équatoriale, dans les six pays de la Cemac. Demain, ce sera au niveau continental, puis ça dépendra de quelle type de banque centrale nous voulons mettre sur pied. L’expérience de la BEAC va certainement servir. Je ne dis pas que c’est celle qu’on va retenir, mais les avantages sont multiples. Avec une seule monnaie, les échanges inter-africains vont se multiplier et c’est le principal avantage. Dès qu’on parle d’intégration monétaire, il y a nécessairement à l’horizon, une intégration politique. C’est vraiment un projet que nous devons défendre. Il va sans dire qu’en ma qualité de président de l’ABCA pour une année, j’espère ne pas ménager des efforts pour mener ce projet à bon port.

S’agissant de la situation spécifique des pays de la zone Franc qui sont liés avec la France, ont-ils les moyens et les garanties de pouvoir se départir de la tutelle avec le Trésor français ?

Les Etats sont souverains. C’est comme l’intégration à l’intérieur de la Cemac. Un Etat peut décider d’aller avec les autres comme il peut décider de revenir. Je rappelle que le Tchad était sorti. Je rappelle qu’en Afrique équatoriale française, le Cameroun n’était pas avec les autres. Je rappelle que la Guinée est entrée en 1985. Donc, l’Etat est toujours souverain pour entrer et pour sortir. Nous ne sommes pas les otages des Français. Ce sont des partenaires. C’est juste pour la convertibilité extérieure que nous avons signé une convention monétaire avec le Trésor. Nous sommes libres.

Maintenant que vous venez d’être porté au poste de président de l’ABCA. Pensez-vous que cette association est capable de conduire le développement de l’économie africaine dans les années à venir en évitant certaines crises comme la récession ou la dévaluation abusive de certaines monnaies de pays africains ?

Merci de rappeler que le gouverneur de la BEAC est le nouveau président de l’Association des Banques centrales africaines. Cela honore la sous-région de savoir que toutes les banques centrales ont fait confiance à la BEAC. Pour faire un peu d’histoire, c’est en 1963 que l’Organisation de l’unité africaine a émis le vœu dans sa vision panafricaniste de créer une Banque centrale et une monnaie unique. L’ABCA voit le jour en 1965. Depuis lors, beaucoup a été fait et ce n’est pas la première fois que la BEAC organise cette réunion de l’ABCA. L’objectif pour nous c’est de créer une Banque centrale africaine et une monnaie unique. Je suis de ceux qui pensent que lorsqu’on parle de monnaie, on parle de l’économie. Si on est capable de créer une banque centrale et une monnaie commune, cela signifie nécessairement qu’au préalable, il y a une convergence macroéconomique entre les différentes économies ; il y a un peu plus de discipline, il y a un peu plus d’échanges entre nous. C’est une chance pour l’Afrique si on pouvait mener ce projet à bon port. Cette union fait la force. S’il y a une intégration africaine avec une population jeune, avec tout ce dont regorge le continent africain, nous sommes capables de rêver qu’avant 2050, comme la Chine l’a montré au monde, l’Afrique est capable de devenir une puissance économique mondiale. C’est dans cette perspective que nous travaillons. Peut-être que je ne le verrai pas- je ne dis pas que Dieu va m’enlever de cette terre maintenant- mais c’est mieux de poser les jalons qui serviront de base pour que la jeunesse sache demain qu’on a travaillé pour ce continent. Les Européens ont attendu plus de 50 ans, ils ont encore des problèmes. Je crois qu’on mettra moins de temps. Voilà pourquoi demain on pourra mieux lutter contre les crises et on pourra mieux éviter d’être trop dépendants des marchés que nous ne contrôlons pas et des aléas de la conjoncture internationale ou des décisions arbitraires qui viendraient de telle ou telle puissance économique.

Ce soir (Ndlr : vendredi 14 août 2015), le président du Tchad a demandé que les pays sortent de zone Franc pour essayer de booster leurs économies. Que vous inspire cette réaction ?

J’ai été nommé par la conférence des chefs d’Etat, six chefs d’Etat. Le jour où il y aura un communiqué de la Conférence des chefs d’Etat sur tel ou tel aspect, posez-moi la question. Quand au reste, je ne peux pas répondre. Si vous me dites que le Conseil d’administration a pris une décision, je serai en mesure de vous dire exactement ce qu’il en est. Je ne suis pas au courant de cette déclaration et je crois que le président Idriss Déby est un fervent défenseur de notre intégration, la plus convaincue des personnes qui adhèrent au processus d’intégration et qui veut même le consolider le plus tôt possible. J’attends une décision. Je ne peux commenter que les propos émanant de la Conférence des Chefs d’Etat de la Cemac.

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