Faute de ne pouvoir se les payer, nombre de personnes souffrent en silence tout en faisant usage des moyens du bord.

Le téléphone arabe a manifestement bien fonctionné. La cour de cette petite école située au lieu dit « Bata Nlongkak » est noire de monde en ce mo 2015. Il y a là des enfants, des adolescents, mais aussi des adultes et même des personnes du troisième âge. Toutes ont un seul et même objectif : se faire recevoir par l’équipe de médecins occidentaux en campagne de traitement gratuit des affections dentaires. L’opération ne dure que trois jours, aussi les usagers enregistrés font-ils des pieds et des mains pour être reçus avant la fin de la mission dentaire. C’est qu’il n’est pas donné à tout le monde de s’offrir les services d’un dentiste en cabinet. « Je traîne des caries dentaires depuis mes années de lycée. Mes parents n’ont jamais eu les moyens de m’offrir des soins appropriés. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai pu me faire extraire trois dents complètement abîmées à raison de 5000 Frs par dent. Et depuis, plus rien, faute de moyens », avoue Eugénie A., jeune fonctionnaire de 28 ans.

Il faut compter en moyenne 5000 Frs de frais de consultation chez le dentiste dans les hôpitaux publics qui n’en disposent d’ailleurs pas tous. 10 000 Frs en clientèle privée et 20 000 Frs en cas d’urgence. Les actes médicaux qui s’en suivent sont facturés à part. 10 000 Frs pour une extraction dans certains hôpitaux publics et centres sociaux, contre 15 à 20 000 Frs dans les cabinets privés. Les techniques de soin ayant évolué, l’on n’enlève plus systématiquement les dents malades. Seulement, la dévitalisation, la reconstitution par « inlays » et autres ont un coût. « J’ai toujours souffert de carie dentaire. Récemment, je me suis décidé à traiter entièrement mes dents. La reconstitution et le détartrage m’ont pris 300 000 Frs dans un cabinet privé. C’était cher payé, mais je n’ai pas regretté le résultat et je suis tranquille pour un bon bout de temps », confie Madeleine Andegua, cadre d’entreprise. Ainsi, la mission dentaire basée à Nlongkak est une belle opportunité pour les petites bourses : 3000 Frs suffisent pour bénéficier de tous les soins.

Même si des statistiques précises sur le nombre de personnes présentant des affections dentaires ne sont pas disponibles, les praticiens estiment que plus de la moitié de la population est concernée. Les effets des maladies bucco-dentaires - douleur, souffrances, dysfonctionnement et baisse de la qualité de la vie - sont nombreux et coûteux. Le traitement représenterait de 5 à 10 % des dépenses de santé des familles qui peuvent se les offrir. Les autres versent dans le système D. Basile J.N., la quarantaine, cadre contractuel d’administration fait partie de cette catégorie. « J’ai au moins six dents cariées présentant de gros trous, depuis 15 ans. Quand elles me faisaient mal, j’y plaçais des comprimés de paracétamol et la douleur se calmait. Lorsque c’était trop fort, j’allais voir un tradi-thérapeute qui me donnait une potion à appliquer. Et puis un jour, les douleurs ont cessé », assure-t-il, content. « Une mauvaise santé bucco-dentaire peut avoir des répercussions importantes sur l’état de santé général et sur la qualité de la vie. L’expérience de la douleur, les abcès dentaires, les difficultés de mastication et donc d’alimentation, les dents manquantes, colorées ou abîmées ont des effets non négligeables sur la vie quotidienne et le bien-être des individus», assure un spécialiste.