Il y a quelques mois, en Italie, alors que des responsables du Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC) tentaient de convaincre des jeunes Camerounais de revenir au pays pour investir dans la culture du cacao, ils se sont heurtés à des clichés plutôt bien ancrés dans l’esprit de leur cible. « Si je décide d’investir dans l’agriculture, il faut qu’elle soit mécanisée. Les tracteurs, les systèmes d’irrigation. On doit dépasser les techniques rudimentaires, car, ce n’est pas encore le cas au Cameroun », confiera sur un ton péremptoire un jeune étudiant en ingénierie. L’autre difficulté à laquelle ces jeunes de la diaspora disaient être sûrs de se heurter, c’est l’accès à la terre, qui reste, selon l’expérience relatée par certains, un « chemin de croix ». Des idées qui ne s’éloignent pas totalement de la réalité vécue actuellement sur le terrain.
En juin 2011, lorsque la Stratégie nationale de mécanisation agricole au Cameroun est dévoilée, fruit d’un travail mené depuis 2007 avec le concours de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le ratio de mécanisation agricole est de 0,1 tracteur pour mille hectares. En effet, l’outil de production utilisé dans les exploitations familiales agropastorales et les entreprises agricoles de moyenne importance ne permet pas encore d’atteindre les objectifs visés. « La FAO a d’ailleurs révélé qu'on jette 65% de notre production agricole par manque de machine pour la transformation », confiait il y a quelques jours à CT, Elissar Mbang Ekoutou, coordinatrice générale du Salon international du machinisme agricole (Simac). L’événement qui réunissait les professionnels de l’agriculture avait comme objectif principal de faciliter l’accès des agriculteurs aux équipements dont ils ont besoin pour intensifier leur production en termes de volumes et apporter de la valeur ajoutée au niveau de la transformation.
Mais, la mécanisation agricole ne saurait se limiter à l’utilisation de seuls tracteurs. « La mécanisation agricole est un terme plus large et englobe tout le matériel agricole utilisant toutes les formes d’énergie humaine, animale et motorisée. L’essentiel dans la mécanisation est que la technologie employée soit adaptée aux utilisateurs », selon la FAO. Ainsi, l’organisation distingue plusieurs types de mécanisation. On a ainsi celle dite manuelle, plus répandue dans les petites exploitations des pays en voie de développement où on utilise les houes et machettes. Ici, il s’agit beaucoup plus d’une agriculture de subsistance, c’est-à-dire, produire pour consommer soi-même. Il y a également la mécanisation animale qui fait intervenir l’énergie animale (bœufs, chevaux, buffles, chameaux, etc.) dans les travaux agricoles à la place de la force humaine avec des rendements plus élevés et des surfaces plus importantes, mais une main d’œuvre plus importante. La mécanisation motorisée, elle, représente le niveau le plus élevé avec l’intervention des machines dont les principales sources d’énergie sont des moteurs, notamment les tracteurs. Elles ont l’avantage de réduire la main d’œuvre et de cultiver des superficies plus importantes.
C’est pour atteindre ce dernier stade de la mécanisation que le Cameroun a conçu sa stratégie.
Le document ainsi formulée a l’ambition de doubler, voire tripler, les productions nationales de céréales, légumes, huile de palme, cacao et café entre autres. Il faut pour cela, relever la capacité de l’offre en équipements et des services de la mécanisation. Et dans ce chantier, des structures travaillent aux côtés de l’Etat à l’instar du Centre national d’études et d’expérimentation du machinisme agricole et de l’usine de montage de tracteurs d’Ebolowa.
A côté des machines, il y a encore de nombreux blocages à lever. Notamment, celui de l’accès à la terre, question d’optimiser les rendements de ces équipements. La formation à l’utilisation de ces engins est aussi un chantier sur lequel l’Etat planche, de même que leur adaptation aux différentes zones agro-écologiques du pays.