Le 7 mars 2008, une ordonnance du président de la République, Paul Biya, suspendait les droits et taxes de douane à l’importation de certains produits de première nécessité. Dans la liste des denrées concernées, figure le riz. A l’époque, l’objectif recherché était de faciliter l’accès de cet aliment aux consommateurs. Huit ans après, le gouvernement vient de réinstaurer la taxation sur le riz. « L’objectif d’approvisionnement du marché camerounais dans le cadre de la politique gouvernementale de lutte contre la vie chère pour le cas du riz demeure mitigé, au regard de la tiédeur de la répercussion des mesures de défiscalisation sur le panier de la ménagère et des activités de réexportation en contrebande », peut-on lire dans le Rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation pour l’exercice 2015, présenté par le ministre des Finances en novembre dernier devant le Parlement.
Les arguments servis dans le document montrent que la mesure de défiscalisation a, en effet, plus servi les intérêts des opérateurs économiques, que ceux des consommateurs. D’après les statistiques apportées, « un peu plus de 800 000 tonnes de riz sont importées au Cameroun pour un besoin de consommation nationale de 300 000 tonnes et une production locale de 100 000 tonnes ». Soit un excédent de 600 000 tonnes, réexportées en contrebande par petites vagues vers le Nigeria (via le Nord, l’Extrême-Nord et le Sud-Ouest) et la RCA par l’Est. Un phénomène qui s’est accentué, relève le rapport, avec l’insécurité aux frontières. Autre constat dressé : « Les effets induits de la baisse du prix du baril de pétrole sur le coût du transport et donc le coût de revient des marchandises importées ne sont pas perçus dans les prix de vente du riz sur le marché local ».
Si la nouvelle mesure applicable au riz a pour objectif d’encadrer les importations de cet aliment et par effet d’entraînement d’en réduire les quantités, elle ouvre une brèche pour le riz local. «Le riz est l’aliment le plus consommé par les Camerounais. Trois personnes sur quatre en consomment, au rythme de trois à quatre fois par semaine », confiait il y a quelques jours, Delor Magellan Kamseu Kamgaing, président de la Ligue nationale des consommateurs, une association de défense des droits des consommateurs. En effet, les producteurs locaux tiennent-là une occasion de renforcer leur position (en quantité et en qualité) sur les différents marchés du pays, où le riz made in Cameroon souffre de visibilité au milieu des multiples marques asiatiques qui trônent sur les rayons et les étals.
En amont, il faudra travailler à augmenter la production. Elle se chiffrait en 2014 à 201 090 tonnes de riz Paddy (non décortiqué) en hausse de 5,9%. Année au cours de laquelle les importations de riz pesaient 591 000 tonnes pour un coût de 140 milliards de F. Il y a un gros effort à fournir pour combler le gap. La culture du riz devrait donc en tout point constituer un investissement productif au regard des besoins et perspectives du marché. Dans sa stratégie nationale de développement de la riziculture, le Cameroun espère produire 750 000 tonnes de riz d’ici à 2020. Avec le concours de la coopération japonaise, le pays expérimente depuis 2011, le riz pluvial, cultivé non pas dans des périmètres irrigués ou des bas fonds, mais sur du sol ferme, comme du maïs. En aval, il y a un besoin, pour le riz made in Cameroon, d’une campagne de sensibilisation permanente auprès des consommateurs. Au-delà des séances de dégustation et des caravanes de ventes promotionnelles organisées épisodiquement, une campagne de sensibilisation permanente sur le riz de Ndop, Tonga ou Yagoua. Le rapport qualité/prix étant garanti d’office, sans risques de tromperie sur la marchandise. Cela suppose que ce riz soit vu en tête de rayons des supermarchés, dans les grands panneaux publicitaires de la ville et les spots radio et TV entre autres. L’organisation du circuit de distribution et la création des unités de transformation sont quelques éléments qui permettront, d’entretenir la demande de la cible, une fois qu’elle aura été convaincue de la nécessité de consommer le produit.