Le phénomène n’a rien de nouveau. Mais, le sujet est toujours d’actualité. La semaine dernière, il était au centre des travaux d’un atelier relatif à la planification urbaine, organisé à Yaoundé par le ministère de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu). « Le visage peu reluisant de nos villes, engluées dans l’anarchie et le désordre urbain, nous interpelle à un sursaut patriotique et républicain », a déclaré sans ambages le chef du département ministériel, Jean Claude Mbwentchou, à l’ouverture des travaux.
Cette sortie démontre à suffisance, pour ceux qui en doutaient encore, qu’il y a du souci avec nos villes.
C’est qu’elles ne paient effectivement pas de mine. Dans les quartiers, vieux ou nouveaux, se développent au quotidien de curieuses juxtapositions. Villas modernes, porcheries, poulaillers. Dépôts de planches, écoles, bars. Puits, latrines, dépôts de gaz, stations-service, maisons d’habitation. « En quête de tranquillité et d’une meilleure qualité de vie, j’ai quitté le quartier surpeuplé que j’ai habité pendant 20 ans pour un quartier naissant qui promettait de répondre aux normes de la modernité. Mais deux mois après mon installation, je déchante déjà. C’est impossible d’y respirer de l’air pur à cause des puanteurs émanant en permanence des porcheries alentour. A chacune de mes plaintes, mes voisins propriétaires de ces porcheries sauvages m’invitent à m’installer à Bastos », se plaint Agnès Syl, habitante d’un quartier du 5e arrondissement de Yaoundé.
Et que dire des constructions qui empiètent sur les servitudes et autres voies d’eau de pluie ? De Yaoundé à Douala, en passant par Kribi, Limbe, Bafoussam, Maroua et bien d’autres villes du Cameroun, les constructions anarchiques constituent un véritable casse-tête. Tant pour les autorités compétentes que pour les populations elles-mêmes. Entre ceux qui conquièrent les lits des cours d’eaux ou les cimetières, les autres investissant les flancs de collines impropres aux constructions et autres marécages, les maires ont, en effet, des difficultés à faire respecter la loi. L’entêtement des récalcitrants semble même avoir eu à l’usure « les coups de boutoir » des autorités compétentes. Seuls des accidents comme l’effondrement d’un immeuble, d’un mur de soutènement ou encore de graves inondations peuvent désormais amener les populations à réfléchir. Avant de donner le moindre coup de pioche.
Comme quoi, combattre l’anarchie dans le secteur des constructions ne relève pas de la philosophie. « Il s’agit d’être honnête avec soi-même. Acquérir un terrain dans un marécage ou une zone accidentée peut coûter moins cher. Mais, il faut des moyens appropriés pour y bâtir selon les normes », explique un architecte. Il faut dire que dans certains cas, tout concorde pour favoriser le développement de l’anarchie. «Lorsque la population bénéficie d’un pouvoir d’achat, et que l’offre de logements se fait rare en raison d’une inadéquation avec la demande ou d’un retard pris sur les plans d’aménagement, on peut comprendre le recours à l’habitat anarchique», concède un officiel. «Mais quand bien même ces logements seraient caractérisés par des constructions ordonnées et un bâti acceptable, leurs réseaux d’infrastructure seraient nécessairement défaillants ou insuffisants, ce qui pourrait causer des problématiques sociales ultérieurement», souligne-t-il. En outre, «l’on ne peut occulter que les acteurs qui tirent parti de la construction d’habitats non-réglementaires sont surtout des particuliers ou certains agents de l’autorité locale, par négligence de leurs attributions», précise-t-on au Minhdu.