Professeur Paul Tchawa, chef du département de géographie Université de Yaoundé 1.

Qu’est-ce qui explique la sécheresse sur l’ensemble du territoire en ce moment ?

Ce n’est pas une situation exceptionnelle parce que la grande saison sèche commence normalement en mi-novembre et se poursuit jusqu’en mi-mars. Nous n’en sommes pas encore là. Aussi, est-il vrai que pendant cette grande saison sèche, on observe d’habitude quelques pluies.

La pluviométrie n’est pas de zéro comme on l’a constaté et ce qui surprend donc est le fait que pendant toute cette période, il n’y a pratiquement pas eu des précipitations. On peut difficilement parler de tendance en matière de la lise du climat en s’appuyant sur une situation et qui touche un temps aussi court. Parce que les données ont des significations que si elles s’inscrivent dans une durée de l’ordre de 20 à 30 ans. On constate également que le climat fonctionne ici par cycles.

Une analyse rétrospective du climat a montré qu’il y a des cycles caractérisés par une humidité relative qui vont alterner à l’hémicycle plus sec. Comme c’était le cas entre 1972 et 1978 et 1985 à 1999 qui étaient comme étant des périodes sèches. Alors que les périodes de 1980 et 1986 étaient globalement humides. C’est pourquoi il est difficile de parler d’une tendance qui se maintient en faveur de la sécheresse ou exclusivement en faveur de l’humidité. Ce qu’il faut relever est que les périodes déficitaires au plan de l’eau et des précipitations semblent se maintenir.

Les raisons sont généralement à rechercher dans les mécanismes dits globaux. C’est-à-dire que ce ne sont pas uniquement des facteurs propres au Cameroun qui expliquent tout cela. En particulier, il s’agit dans la situation qu’on observe maintenant de la descente très au sud des vents intertropicaux. Alors, cette force se maintient très au sud. Nous sommes véritablement dans une ambiance de perturbations. Le maintien de ce front intertropical à cette latitude empêche l’air et la mousson qui viennent de l’océan d’entrer sur le continent. S’agissant du climat, nous sommes véritablement dans l’ère du changement.

Quels impacts cette situation peut avoir sur l’environnement et l’agriculture ?

Les impacts sont nombreux. Au niveau de l’agriculture en particulier, c’est une situation très difficile pour les producteurs parce que la plupart des cultures ont un cycle végétatif maîtrisé par les paysans qui sont calés sur les saisons. Et lorsque la succession des saisons connaissent des dérèglements, les campagnes culturales ne peuvent pas réussir.

Et on connaît des cas où il ya des fausses pluies qui font en sorte que les semences pourrissent et la famine s’installe. Il s’agit d’une situation très difficile y compris pour des zones des vallées ou marécages. Il faut absolument  passer par l’arrosage. Au niveau de l’environnent, je vais prendre simplement la situation des zones où on pratique l’élevage. Vous savez que la succession de saisons permet au paysan d’allumer le feu. Donc même au niveau d’élevage, il y aura  un dérèglement.

Quels conseils pouvez-vous donner aux cultivateurs surtout en cette période ?

Je ne peux pas prétendre être en mesure de donner des conseils. Je pense qu’au niveau de l’IRAD, nos collègues agronomes se sont lancés sur différentes opérations de recherche. Certains de ces recherches portent sur le développement des semences de plus en plus résistantes à la sécheresse et qui ont un cycle court et qui s’adaptent mieux à ce contexte. Je pense que les producteurs qui ont observé ce phénomène s’adaptent. Leur auto-adaptation est parfois plus efficace que les conseils techniques que donneraient les outsiders. Il faut simplement accompagner cette auto-adaptation avec les moyens qu’il faut et faire en sorte que la recherche crée une instance d’échange avec les paysans.