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Pourquoi la retraite fait toujours peur

Jean Daniel E., en poste dans un ministère de la place, n’a plus que dix mois à travailler, avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite. Plus l’échéance se rapproche, plus l’homme qui, se plaint pourtant d’être très fatigué et a du mal à se lever promptement tous les matins, devient nerveux. Mine serrée, humeur maussade, insomniaque, le père traîne mélancolie et propos sarcastiques à longueur de journée, mettant son monde mal Jean Daniel E. Il aura fallu un questionnement serré de sa progéniture pour qu’une cause soit trouvée à ces changements de caractère. « Je vais à la retraite dans quelques mois et personne ne se demande ce que je vais devenir. Comment est-ce que je vais vivre ? A quoi vais-je occuper mes journées et comment meubler tout ce temps : je suis encore solide ? Je n’ai rien au village, en dehors de la cuisine de votre mère. Je suis inquiet », avouera le chef de famille en détresse.

La retraite, événement tout à fait normal dans une carrière professionnelle, ne devrait plonger personne dans un tel état. Pourtant, il apparaît à la pratique que nombre de travailleurs, du public comme du privé, sont angoissés par cette perspective. En juin 2009 déjà, le Premier ministre, chef du gouvernement, avait instruit les ministères utilisateurs d’enclencher les procédures de départ, les automatisant. Sans grand succès. Aujourd’hui, malgré les efforts des pouvoirs publics pour leur faciliter l’existence, à ce passage, des employés de tous les rangs tardent à faire leurs cartons. Ces seniors occupent toujours des postes stratégiques et s’accrochent à leurs privilèges, comme à une bouée de sauvetage. Et même si leurs salaires ne sont plus versés dès l’âge légal atteint, ils ont accès à des budgets qui leur servent aussi à subvenir à leurs besoins personnels. « C’est sur le budget de notre division que mon directeur a construit sa maison au village. Pendant les deux dernières années qu’il a prolongées à son poste, nous n’avons exécuté aucune activité prévue dans le programme de notre ministère », confie un cadre dans un ministère de la place.

La loi prévoit que les fonctionnaires et agents de l’État, selon leur catégorie, partent à la retraite à 50, 55 ou 65 ans (pour les universitaires, par exemple). Les raisons ne manquent cependant pas aux concernés pour continuer de rester aux affaires. Elles vont de la relève qui n’est pas assurée à l’encadrement des jeunes recrues. « Certains ont tellement mis long à leur poste qu’ils en viennent à croire que le système ne saurait tenir sans eux. Ceux-là restent généralement en place grâce aux complicités dont ils bénéficient à différents niveaux hiérarchiques », explique un observateur. Beaucoup d’autres ont obtenu des rallonges. Il aura fallu une autre sortie du Premier ministre Philemon Yang lors d’un récent conseil de cabinet pour que certains daignent goûter au repos tant mérité, après une longue carrière. Ainsi, un millier d’enseignants, chefs d’établissement, censeurs, surveillants généraux et professeurs ont-ils été libérés par le ministre des Enseignements secondaires en début d’année. Il reste que tous les corps de métiers, civils et militaires, sont concernés par cette pratique. Il est clair que la retraite continue de faire peur. Il faut maintenant savoir pourquoi.

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