Le musicien congolais est décédé à l’âge de 67 ans dimanche dernier en Côte d’Ivoire, victime d’un malaise.
La fête bat son plein. Il est environ 5h30 ce matin du dimanche 24 avril à Anoumabo, quartier festif d’Abidjan, fief du Festival des musiques urbaines (FEMUA).
Le moment fatidique arrive. Papa Wemba, sans doute la star la plus attendue de cette 9e édition, s’effondre sur scène, victime d’un malaise. L’image est triste, pathétique et défile en boucle sur la toile. Il est conduit dans l’hôpital le plus proche. La légende de la rumba décède peu de temps après. Ses fans prient que l’info vire à l'intox, comme il y a trois ans, lorsqu’une forte rumeur sur sa mort s’était propagée telle une traînée de poudre, avant de s’évaporer. Sauf que cette fois, on est dans le dur. Papa Wemba, 67 ans, est bel et bien parti, définitivement.
Avec sa disparition, bien plus qu’une page se tourne. C’est une époque, celle de la révolution de la rumba qui s’éteint. Papa Wemba, né Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba en 1949 au Congo-Belge, est le porteur de ce mouvement. Pionnier, il grandit au milieu des années 50 dans un environnement musical bercé par les mélodies des autres Franco, Kabasele dit Grand Kalle, Wendo Kolosoy, Fela Kuti, James Brown, mais surtout Tabu Ley Rochereau. Ce dernier, son mentor, il le côtoie, apprend à ses côtés. « Maman, quand je serai grand, je serai comme Tabu Ley », disait-il. Bien plus qu’une lubie de gamin, Papa Wemba fait de cette aspiration une réalité. A 19 ans, contre l’avis de papa, mais soutenu par maman, il lâche ses études... Son premier groupe, le Zaïko Langa Langa, dont il est le co-fondateur avec des artistes comme Jossart Nyoka Longo, voit le jour en 1969. Déjà, le changement est en marche. Leurs titres donnent une autre dimension à la musique africaine. « Sentiment Awa », « Muvaro », « Exil », « Mukaji », « Proverbes 22 :11 », « Yo Nalinga », « Mété La Vérité »… Longue est la liste qui contient les succès d’anthologie du Zaïko Langa Langa.
Les années 70 débarquent. C’est la décennie de Viva La Musica. Son mythique label, qui l’accompagnera jusqu’à la fin de sa carrière, naît en 1977. Il verra éclore de nombreux talents comme Koffi Olomide ou King Kester. Dans les Eighties, Papa Wemba veut ratisser large. S’il s’engage dans une tournée internationale qui le mènera par le Japon, les Etats-Unis et une bonne partie de l’Europe en 1988, Peter Gabriel lui ouvre les portes du monde. Par un contrat signé avec le label Real World du musicien et producteur anglais, Papa Wemba entre dans sa période World Music. Comme héritage, des tubes : « Maria Valencia », « Yolele », « Sofele », etc.
Après sa conquête du monde, il revient aux sources, avec « La nouvelle écriture », publiée en 1997. Il est connu pour sa rumba et comme parrain de la SAPE (Société des ambianceurs et personnes élégantes), mais Papa Wemba c’est aussi du ndombolo, du soukous. Carrefour de plusieurs genres musicaux, sa rumba n’est pas figée. Il l’adapte, la nourrit d’essences nouvelles. Elle se parfume des airs du Brésil, groove sur des notes de rap ou trépigne des sonorités brûlantes du rock. Chanteur apolitique, Papa Wemba n’était pourtant pas à court d’arguments quand il fallait défendre la rumba. C’est dans cette idéologie qu’il sort en 2014, « Maître d’école, Rumba na rumba », son dernier album de 25 titres. L’artiste se relevait alors d’un impitoyable tollé médiatique et judiciaire : il a été accusé de trafic d’êtres humains, car soupçonné d’avoir fait rentrer en Europe des Congolais qu’il aurait fait passer pour musiciens, de manière clandestine. Gloire et tracas liés au succès ; en plus de 50 ans de carrière, Papa Wemba aura tout connu. Aurait-on pu rêver meilleure fin pour un artiste de sa trempe ? Il est parti sur la scène, sa maison, là où un jour, tout a commencé.
