Le ministre des Forêts et de la Faune, Ngole Philip Ngwese, a procédé il y a quelques jours à Yaoundé à l’incinération de 2000 défenses d’éléphants et 1753 objets d’art en ivoire saisis aux mains des braconniers. Cet acte ordonné par le président de la République vise à respecter les termes de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvage menacées d’extinction (CITES) et la ratification de divers accords au niveau mondial et sous-régional par le Cameroun. Et ce n’est pas fini, parce que le Cameroun entend poursuivre la lutte contre le braconnage, de concert avec les pays voisins et les partenaires. Si le gouvernement camerounais a choisi de brûler ces stocks d’ivoire, c’est pour que les défenses et les objets d’art ne se retrouvent pas sur le marché noir où l’augmentation des prix de l’ivoire observée actuellement attisent l’appétit des braconniers.
Selon les données du ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF), le réseau d’aires protégées au Cameroun couvre une superficie d’environ 9 597 203,57 hectares, soit 20,1% du territoire national. Elles sont peuplées d’éléphants, lions, girafes, panthères, hyènes, gorilles, guépards, etc. Entre décembre 2011 et mars 2012, ces aires protégées ont subi les assauts des braconniers. Au parc national de Bouba Ndjida dans le Nord, environ 300 pachydermes ont été décimés entre décembre 2011 et février 2012. Depuis ce désastre, la population d’éléphants du Cameroun estimée en 2010 à 21 000 têtes a considérablement diminué. Et les prédateurs, eux, continuent de sévir. Dans la région de l’Est, plus de 7 500 tonnes de carcasses d’espèces protégées ont été saisies en 2015 selon les services déconcentrés du MINFOF. Preuve que la chasse des espèces de faune protégées se poursuit en dépit des dispositifs déployés dans les différentes aires protégées du pays.
Et pour capturer leur gibier, les braconniers ne lésinent pas sur les moyens. 80 minutions et deux chargeurs de Kalachnikov ont été saisis entre les mains de trafiquants en janvier dernier à l’Est. De plus, l’on a appris au cours d’un atelier organisé récemment dans la ville de Douala que ces chasseurs clandestins utilisent de plus en plus l’avion pour acheminer leurs marchandises vers l’Asie et l’Europe. Dans la zone Afrique centrale, sur 132 saisies, 116 le sont par voie aérienne. Deux cas de figure qui permettent de constater que le braconnage n’est pas orchestré par des amateurs. Il s’agit, en effet, de réseaux bien huilés tenus par des personnages insoupçonnés mus par l’appât du gain et prêts à investir dans un armement de pointe et à recruter la main d’œuvre nécessaire pour parvenir à leurs fins. Aidés en cela dans certains cas par des populations riveraines ignorantes de l’enjeu de la protection de ces espèces.
Une mafia auquel le gouvernement camerounais a décidé de tordre le cou coûte avec l’appui des pays voisins et des partenaires financiers. L’engagement a été réaffirmé à Paris en décembre 2013 par le président de la République Paul Biya au cours de la table-ronde sur la lutte contre le trafic et le braconnage des espèces menacées d’extinction organisé en marge du Sommet sur la paix et la sécurité en Afrique. Au niveau national, outre le déploiement des forces de défense spécialisées pour sécuriser les parcs nationaux et aires protégées, le renforcement des effectifs des éco-gardes et l’acquisition des ultralégers motorisés pour la surveillance aérienne des aires protégées, un plan d’urgence a été élaboré et validé. Le Plan national d’urgence de sécurisation des aires protégées du Cameroun chiffré à 192 millions d’euros, soit près de 126 milliards de F pour la période 2012-2017. Au niveau sous-régional, le Cameroun a signé trois accords avec les pays voisins pour lutter contre le braconnage transfrontalier. L’un d’eux porte sur le Tri-National de la Sangha, pour les aires protégées entre le Cameroun, le Congo et la RCA.
En dépit de cet arsenal de mesures pour contrer le fléau du braconnage, des manquements persistent sur le terrain aujourd’hui. Des moyens qui mériteraient d’être renforcés au regard de l’enjeu que représente ce secteur. En effet, le secteur forêt-faune contribue aux recettes publiques à hauteur de 64,2 milliards de F dont 27,8 milliards au titre de la fiscalité spécifique et 36,4 milliards de F pour la fiscalité liée à l’exploitation et la transformation du bois, à l’activité de chasse et à la filière des produits forestiers non-ligneux.