Les premières assises nationales des déchets se sont achevées, il y a quelques jours, à Yaoundé. Comme de tradition, des recommandations, fruit des échanges autour de la thématique : « Gestion des déchets : vers une économie circulaire », ont été formulées. Et l’essentiel à retenir des suggestions des experts, c’est la nécessité de poser les bases d’une industrie des déchets au Cameroun. D’où cette proposition de « mettre en place un mécanisme d’incitation fiscale ». Celle-ci est orientée en amont vers les ménages par l’instauration d’une compensation pour la collecte et le tri des déchets, matière première nécessaire pour alimenter cette industrie. Actuellement, les données de l’Institut national de la statistique révèlent que seulement 40% des ménages urbains utilisent les bacs publics pour évacuer leurs ordures. La conséquence induite par cette habitude, c’est que 60% des déchets se retrouvent mélangés et jetés dans la nature sans traitement En aval, le mécanisme d’incitation à destination des industries devra intégrer l’allègement des procédures administratives et la facilitation de l’accès au crédit, entre autres.
Mais, pour que tout ceci se mette véritablement en place, les participants aux assises de Yaoundé ont recommandé au gouvernement de réaliser une étude économique de marché des déchets sur toute l’étendue du territoire national. Soit par commune ou par région. L’objectif étant de déterminer la typologie des déchets par catégorie de structure, les quantités produites annuellement pour chaque type de déchets, les filières et les coûts de traitement. L’étude devra aussi analyser les besoins des acheteurs et les potentiels sous-produits qui seront réinjectés dans le marché national, sous-régional ou international.
Ce qu’on sait déjà à ce stade, c’est que le Cameroun produit annuellement six millions de tonnes de déchets solides et plus de deux millions de tonnes de déchets non-ménagers. La production annuelle de déchets-liquides est évaluée à trois millions de tonnes. Comme les déchets solides, 80% sont jetés sans traitement. Autre constat : bien que plus de 80% des déchets solides et liquides soient recyclables, 65% des entreprises et des particuliers ignorent les filières de traitement adaptées à la nature de leurs déchets.
D’ici à ce que les recommandations des premières assises nationales sur les déchets au Cameroun soient mises en œuvre, des initiatives de recyclage existent déjà. Des activités économiques qui recrutent et créent de la richesse. Mais à une échelle encore réductible, par rapport au potentiel estimé. C’est le cas notamment pour la collecte et le recyclage de la ferraille (carcasses de voitures, vieilles tôles, appareils électroménagers usés, fils de courant, etc.) qui recrutent de nombreux jeunes. Une entreprise de fabrication du fer à béton présente aux assises de Yaoundé a déclaré disposer d’un réseau de 5000 collecteurs de ferraille à travers le pays.
Il n’y a pas que le fer à béton, mais aussi l’énergie électrique, le compost pour l’agriculture, les bijoux, les pavés, les chaussures, pour ne citer que ces cas-là, qui résultent déjà de l’activité de recyclage des déchets. Activité qui a l’avantage en plus de produire des revenus, de débarrasser l’environnement des matières polluantes néfastes pour la santé humaine. La crise des déchets vécue en 2008 à Naples et traduite par l’accumulation de plus de 6000 tonnes de déchets dans les rues de cette ville italienne et près de 50 000 autres tonnes dans les villes et le long de la région de Campanie (estimations des médias locaux) montre bien qu’une mauvaise politique de gestion des déchets peut causer des dégâts sur la santé publique
C’est donc ce double intérêt qui suscite tant de réflexions autour des stratégies à même de tirer profit de ces ordures encore sous-exploitées. Dans la nouvelle démarche entreprise, il faudrait peut-être s’inspirer des exemples d’ailleurs. Le cas du Danemark notamment, où l’incinération des déchets représente une part très importante du secteur énergétique danois. Ou encore les Pays-Bas où seulement 3% des déchets vont dans les décharges. Le reste, 78%, est recyclé et 19% incinéré. L’introduction en 1995 de la taxe sur la mise en décharge supprimée par la suite, a donné lieu à une forte baisse des dépôts. Le Cameroun qui envisage de revoir sa stratégie nationale de gestion des déchets pourrait s’en inspirer.