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Dossier de la Rédaction

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Construire le chaînon manquant

« Investir au Cameroun, terre d’attractivités ». La formule est lapidaire et élégante. Il n’y a d’ailleurs pas que le slogan de la Conférence économique de Yaoundé qui ait de l’allure. Mais tout le décorum et la substance… Au lendemain de cet événement aussi grandiose qu’inédit, les épithètes hyperboliques et euphoriques ne manquent pas. L’initiative présidentielle d’organiser un grand forum pour repenser et booster l’investissement paraît combler tout le monde. D’abord les Camerounais : d’avoir vu défiler à Yaoundé toutes ces grosses pointures de la finance, des affaires, de la recherche et de la politique, ils sont intarissables et mus par la fierté d’appartenir à un grand pays, et l’espoir d’une vie meilleure. Ensuite, les investisseurs potentiels et les personnalités indépendantes, conviées ici pour leur expérience et leur expertise. Nos hôtes sont manifestement heureux de constater qu’au Cameroun les lignes bougent. Finie l’époque où l’on se gargarisait à longueur de journée sur nos immenses opportunités, comme si ces éructations auto-glorificatrices allaient d’elles-mêmes construire les usines, les infrastructures et faire bouillir la marmite ! Dieu merci, une démarche plus volontariste a vu le jour, avec pour finalité de créer des incitations à l’investissement en dépoussiérant les textes de référence, en initiant les réformes structurelles, et en écoutant et soutenant le secteur privé, moteur de la création de richesses.

Mais à l’heure du bilan, le succès de cette conférence se mesurera d’abord à l’aune des résultats obtenus sur les deux objectifs essentiels que lui a assignés son initiateur, le président de la République. Poser le diagnostic sans complaisance de l’économie camerounaise, et mettre face à face porteurs de projets et investisseurs, pour déclencher des contrats et des partenariats d’affaires. S’agissant de la revue de l’économie, les intervenants ont pointé sans langue de bois les faiblesses et les atouts. Ils ont surtout dessiné, à travers des débats de très bon niveau et une kyrielle de recommandations, les pistes nouvelles de l’émergence économique. On retiendra de cette fourmilière d’idées quelques notions et mots-clés.

En premier lieu, préserver notre plus précieux capital : l’unité et la stabilité. Sans elles, point d’investissements et adieu le rêve de prospérité. Ensuite, lorgner au-delà de notre nombril, un horizon plus large, incluant la CEMAC et la CEEAC. Et aussi, plutôt que de s’occuper à vanter les opportunités, mieux nous organiser, et rendre nos progrès visibles.  Les experts n’ont pas craint de suggérer de repenser le rôle de l’Etat, omniprésent à ce stade. L’Etat doit, a contrario, renforcer et responsabiliser le secteur privé, pour se muer lui-même en facilitateur et en régulateur. Par ailleurs, il nous faut continuer à produire, pour soutenir la croissance mais plus encore, transformer sur place. Cette croissance elle-même devra être équitablement partagée ! Enfin, comment ne pas parler de la confiance ? Pour la créer, le pouvoir devra miser sur un climat des affaires rassurant, des lois appropriées, et appliquées, la transparence, la justice et l’Etat de droit.

A ce stade, on est tenté de dire, à propos de ces observations et recommandations, qu’il n’y a là rien qui ne soit déjà connu, familier… Ce serait évidemment à tort. Parce que ces comportements vertueux suggérés n’ont rien de nouveau, théoriquement ; les intégrer, au point d’en faire une culture des affaires ou de l’administration, est un tout autre défi. C’est la culture de l’intérêt général, contre celle des intérêts personnels ; celle de l’intégrité contre celle de la fraude ; celle de la préférence nationale contre celle de la gestion clanique, etc. Ces recommandations ont donc lieu d’être même s’il ne s’agira que de renforcer des tendances, et elles nécessiteront une réelle évolution des mentalités.

Quid des attentes concrètes de financements ? Après les nombreux entretiens et rencontres, nul doute que certaines seront satisfaites. En deux jours, il est prématuré de dresser un bilan global, avec des annonces d’investissements, des lancements de nouveaux projets, des signatures de partenariats… Il est certain en revanche que les nombreux contacts noués entre dirigeants porteront bientôt des fruits palpables. D’où l’importance du suivi scrupuleux et méthodique de tout le forum, qui doit prendre forme dès ce jour.

Par sa participation, la qualité des intervenants, la densité des échanges, les retombées perceptibles et probables, la conférence de Yaoundé se positionne comme l’événement économique le plus important au Cameroun et en Afrique ces dernières années. Le premier pari était déjà de réussir à l’organiser, en ayant au départ assez d’envie et assez de réseaux pour attirer à Yaoundé l’élite des affaires et les sommités politiques. Qui d’autre, mieux que Paul Biya en aurait eu la capacité ? Il l’a donc fait, et de la plus belle des manières. Dans un contexte où l’insécurité transfrontalière et le choc causé par la chute du cours des matières premières déstabilisent les économies et jettent un froid sur la vague d’afro-optimisme qui souffle depuis cinq ans. De quoi nous redonner confiance en nous-mêmes, et en notre capacité à nous surpasser.

Pourtant, son succès définitif, il faut bien l’admettre, ne dépendra plus du charisme d’un seul homme. Pour que la conférence économique de Yaoundé devienne le marché de l’investissement en Afrique que son promoteur souhaite, il est indispensable que les décideurs à un niveau intermédiaire, et le secteur privé jouent leur propre partition. Pour les ministres et hauts fonctionnaires, il faudra beaucoup d’audace, de courage, et de patriotisme, pour engager, ou pour finaliser les réformes qui auront été décidées par les instances supérieures, suite aux recommandations des experts. Et pour aider à éclore les partenariats qui vont se nouer à Yaoundé, sans y rechercher forcément un intérêt. Pour le secteur privé, plutôt que de se poser en victime résignée de l’Etat, il gagnerait à une sérieuse remise en cause, qui inclurait de séparer le bon grain de l’ivraie, c'est-à-dire les professionnels des aventuriers, et à se mettre au niveau des normes internationales, pour ne pas désillusionner les investisseurs.

Quant à Monsieur et Madame Tout-Le-Monde, il est, et cela ne devrait pas surprendre, concerné. La vision stratégique en filigrane ici, est, selon Paul Biya, « d’intégrer l’économie camerounaise à l’économie globale de manière plus judicieuse et plus bénéfique ». Cela concerne donc tout le monde. Etre un pays ouvert aux investisseurs, ce n’est pas seulement une question de visas et de législation. C’est aussi affaire de mentalités. Une population accueillante, pondérée et policée, est un atout indéniable à cet égard. Pour nous intégrer à l’économie globale, c’est ensemble, Etat et population, que nous construirons le chaînon manquant.

Et maintenant ? Eh bien, et maintenant, au travail ! L’attente des retombées de cette importante conférence sera forcément studieuse, active, dynamique. C’est la condition, le prix à payer, pour capitaliser l’indéniable élan de sympathie et l’intérêt plus marqué dont est déjà crédité le Cameroun.

A la suite du succès de ce forum, beaucoup de voix s’élèvent pour demander au chef d’ l’Etat de perpétuer l’exercice. Ce serait la garantie de son suivi régulier, et celle de son retentissement. Elle ferait en effet, d’année en année, tache d’huile…

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